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03/01/2023
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Au massif ' l'inconscient est structuré comme un langage ', pourquoi ne pas préférer l'élégant et entraînant : ' Tout notre langage est composé de petits songes brefs ' de Valery ; et rêver à sa suite que le langage aurait eu sa source ou du moins son terreau dans le rêve ?
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Une disposition primitive
Claude Royet-Journoud
- P.O.L
- Poésie - Théâtre
- 14 Novembre 2024
- 9782818062074
' Après le cours, l'étudiant posa une de ces questions qu'on pose dans une phrase et dont la solution demande toute une vie. Mais cet étudiant était de ceux qui viennent et ne reviennent pas. '
Marcel Jousse -
Il y a des contradictions qu'on accepte
La licorne n'existe pas, mais sa corne guérit de certains les maux
L'oiseau de paradis est une fiction, mais il a des pattes comme les autres oiseaux
On peut dormir la nuit avec ça. -
Deux jeunes pensionnaires de la clinique de La Houssaye se lient d'amitié, avant de quitter ce refuge célèbre et pourtant bien caché dans la forêt d'Amboise. Le narrateur entreprend une carrière universitaire et son ami devient romancier. Leur égal attachement pour une jeune femme aussi fragile que raffinée semble les séparer, mais leur brouille a des causes moins évidentes : c'est sa vie que chacun vole peut-être à l'autre. Ils se perdent de vue. Le professeur est invité dans le Vermont. L'écrivain se terre en Auvergne. Des années plus tard, après sa mort, son ami de jeunesse traverse le Cantal enneigé, il s'égare dans les rues d'Aurillac et il voit le reflet du défunt dans une vitrine de Noël, avant de s'évanouir, tant le froid est mordant. Mais ' la comtesse ' est là qui veille. Le voyageur revient à lui, chez elle, juste au-dessus de son magasin de jouets anciens. Les tisons palpitent dans l'âtre armorié. Voilà qu'un revenant surgit de la muraille. Il sourit comme un frère qui pardonne et le fantôme de l'écrivain (car c'était lui) me reconduit (car c'était moi), dans une envolée invraisemblable, sur les lieux véritables où nous nous rencontrâmes. C'est là que je retrouve, rajeunis par le rêve, les modèles réels de tous les personnages du cycle de Jordane, et surtout du premier.
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ni pendu ni au pied d'une potence, mais à Vianden une araignée, un rhino au carnaval, un lion dans un studiolo, dans une mare une chorale de grenouilles, etc. l'animal figure, sa note inimitable
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Composées à la fin des années 1960, les onze nouvelles de ce recueil inédit en français n'ont pu paraître dans leur intégralité qu'après 1989, après la chute de Ceaucescu et celle du Mur de Berlin.
À travers chacun de ces récits oniriques, souvent absurdes, le jeune Dumitru Tsepeneag dénonce les conditions de vie de l'écrivain au sein du régime soi-disant socialiste du dictateur. Dans la plus importante de ces nouvelles, qui donne son titre au recueil - Mise en scène - l'auteur s'y offre la parodie ultime : la naissance du christianisme, revue et réinterprétée à l'aune de l'histoire moderne du socialisme roumain, et avec une verve ironique et cruelle.
Le rêve acquiert ici une puissance stratégique, et la forme brève, accélérée, des derniers récits crée un redoutable effet de vertige. -
Morceaux choisis et autres morceaux choisis
Christophe Tarkos
- P.O.L
- Poésie - Théâtre
- 10 Octobre 2024
- 9782818061855
Depuis la mort de Tarkos, en 2004, les éditions P.O.L ont publié plusieurs volumes pour remettre en circulation les textes qui n'étaient plus disponibles. En prolongement des Écrits poétiques (2008), de L'Enregistré (2014) et du Kilo et autres inédits (2022), ce volume rassemble les livres que Tarkos a publiés chez différents éditeurs (L'Évidence, Les Contemporains Favoris, AIOU, Al Dante, Contre-pied, Derrière la salle de bains), très souvent épuisés ou introuvables, et qui n'avaient pas encore été réédités. Avec ce volume, l'intégrale de l'oeuvre publiée de Tarkos est désormais accessible aux éditions P.O.L. Les Morceaux choisis donnent à lire les débuts de Tarkos, quand il détaille tout ce qu'il sait faire et, d'une certaine façon, annonce tout ce qu'il va faire, des formes basiques et vivantes comme des lignes, des carrés, des ronds et des dessins. Cette « méthode » de fabrication permet aussi de publier quelques nouveaux inédits (Poèmes d'une ligne, Le besoin, La sensibilité, ou Quelques millimètres). Ainsi qu'une salve de neuf « notices biographiques » encore inédites également.
Ces Morceaux choisis et autres morceaux choisis nous font pénétrer dans l'atelier Tarkos, sa langue, son imaginaire artisanal, jusqu'à des listes de poèmes à écrire. Ces listes des travaux en cours (dont huit sur dix n'ont pas été réalisés) sont un lieu fascinant d'élaboration d'intentions formelles diverses et complémentaires. Un même projet peut, au fil des catalogues, listes de travaux ou biographies, recevoir des définitions chaque fois remaniées et se décliner sous différentes formes. -
« Un piano ça pèse, des pianos encore plus. C'est l'une des conditions pour que ça sonne. Une mère aussi, ça pèse, peut-être pour la même raison. Mais quand la mère meurt, quel poids nouveau ? Et les passés, quel poids chacun ? Le mien, le sien, le nôtre, les Anciens, la langue et la musique survivante, les langues mortes. »
Emmanuel Lascoux propose un premier récit personnel, en forme de méditation poétique sur la langue et la perte. Texte non pas de deuil mais de constat : « perdu (sans) ma mère », écrit-il. Constat, de décès d'abord, celui de la mère. Mais en latin, constat, c'est ce qui consiste, ce dont c'est fait, l'instrument de musique comme la langue, ce que ça pèse, ce que ça vaut. Et chaque phrase vient mesurer ou peser ce qui reste, ce qui est. Sentir le poids toujours plus lourd, ou soupeser le toujours plus léger (vivre, écrire, jouer, dire). Le deuil pénètre la langue, bouleverse la narration : « Combien de jours nous reste-t-il après la mort ? » La musique, elle, persiste : « imaginez ce que ça fait de vivre avec. »
Le texte d'Emmanuel Lascoux est écrit sur l'arête entre prose et poésie. De multiples sons, langues et voix résonnent dans les phrases. On y entend autant Bach que Beckett : « Qu'elle, qu'on le veuille, un mot dit non, ou pas, et c'est comme ça que la phrase. Retour mortel, mieux. Comme on pense sans raison. Comme on vaut sans s'équivaloir. » -
Nicolas Fargues a animé un atelier d'écriture sept mois durant à la prison de la Santé, à Paris. À cette occasion, il raconte de son point de vue d'écrivain, et de l'intérieur, la prison, la vie quotidienne des prisonniers. « Les centaines de notes de choses vues, vécues et entendues rassemblées ici, écrit Nicolas Fargues dans sa préface, sont autant d'empreintes immédiates et chronologiquement restituées de toutes les fois que j'ai cherché à mettre des mots sur les menus et plus lourds détails de cette expérience. »
L'écrivain entreprend de mettre des mots sur ces rencontres, restitue avec sensibilité des paroles inattendues, des échanges, des conversations, brosse des portraits, et n'hésite pas - souvent avec humour - à reconnaître ses frayeurs, tout ce par quoi il se sent dominé. Sans voyeurisme, Nicolas Fargues avec ce journal de prison livre un regard absolument sincère sur les marges de notre société, empreint de sympathie et d'auto-dérision. Jusqu'à interroger sa propre situation sociale et personnelle. « Petite délinquance de tous les jours, de la violence de quartier. Ces loups urbains, je les ai approchés dans les conditions les plus sécurisées qui soient : par la prison, c'est-à-dire par là où ils n'ont plus besoin de se faire passer pour autres qu'eux-mêmes. Et c'est avec une fierté naïve que j'ai cherché, et parfois réussi, à me faire accepter d'eux pour tenter de dompter ma peur. Et, surtout, pour faire un livre de toutes ces paroles et de tous ces faits et gestes que je leur ai volés. On est le mauvais garçon qu'on peut. » -
En avril 2021, Emmanuel Lascoux publiait sa « nouvelle version » de L'Odyssée d'Homère (P.O.L) qui créa la surprise. Il récidive aujourd'hui avec L'Iliade, dans une nouvelle traduction du texte grec d'Homère, à partir de son travail original sur le grec ancien qu'il rythme, chante et crie depuis plusieurs années. Cette épopée se déroule pendant la guerre de Troie entre les Achéens venus de toute la Grèce et les Troyens et leurs alliés, chaque camp étant soutenu par de multiples divinités comme Athéna, Poséidon ou Apollon. La « version » de Lascoux bouleverse également notre réception de cette épopée fondatrice. « Passez votre chemin, si vous cherchez la justice, écrit Lascoux dans une prodigieuse préface rédigée comme une dramaturgie sonore du texte homérique. Ici, tout est motif à protester, à sortir de ses gonds : la vie est doublement injuste pour les hommes, à commencer par sa fin, et à remonter toutes les frustrations qui la précèdent, et simplement injuste pour les dieux, si l'on en croit leurs sempiternelles protestations, et le rappel des mauvais moments de leur éternité. Le même Apollon, là, qui punit maintenant les Achéens, qui avantage les Troyens, rappelez-vous tout ce qu'il a souffert pour les bâtir, les murs de Troie, esclave de Laomédon, le père de Priam, avec l'autre grand coléreux, Poséidon, le dieu qui secoue terre et mer de ne pas avaler la manière dont Zeus et Hadès, ses deux frères, ont fait le partage au grand Yalta de la Seconde Guerre Cosmique. »
Cette « version française » de la célèbre épopée homérique réalise l'union paradoxale du plus grand respect du texte, et de la plus grande liberté de jeu, restituant en français contemporain le « phrasé » de la langue polyphonique de l'aède. Sans jamais oublier que dans l'antiquité grecque, dès l'épopée, « la musique réglait tout, jusqu'à la politique » (Lascoux), et l'aède était « le premier polyphoniste, l'homme-orchestre ». Comme Emmanuel Lascoux aujourd'hui. -
Quand l'amour est comme le mien, juste un rêve solitaire infini, une insulte au malheur, un crachat à la face du destin, alors il élève ses flammes jusqu'aux cieux, il brûle et purifie tout et ne s'éteint jamais, ne se réduit jamais à un feu dans une cheminée qui réchauffe et apaise, qui illumine une maison bienheureuse.
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Ce que je vois quand je regarde la photo de cette petite fille à l'aube de ce siècle nouveau, c'est qu'elle ne sait rien encore de ce que le monde va lui apprendre, et qu'être une petite fille est pour elle une joie parce que ça veut dire pouvoir devenir Britney Spears et que Britney Spears pour elle alors, c'est chanter et danser, c'est être dans son corps, sans crainte et sans distance, se sentir très vivante, c'est se tenir, très loin de la peur mais.
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Pavillon de porcelaine vert et blanc. Psalmodie de mémoire. Voile, navigue - lac. Vie passe. Au milieu de la petite maison. In dem Haüschen. Courbé, abattu, tellement. Idée du merveilleux brisé. Os, fragment, rupture. Là encore pour ressaisir la vie.
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À vingt-sept ans, Miranda semble appartenir à un drôle de club : celui des enfants qui n'ont manqué de rien sauf de cette joie pure, essentielle, que certains ressentent du seul fait d'être en vie.
Thibault de Montalembert et Clémentine Aussourd incarnent admirablement le duo père/fille complexe et attachant imaginé par Rebecca Lighieri. Un roman sombre et addictif.
Couverture : © Flore-Aël Surun / Tendance Floue -
Je dis, en divisant chaque syllabe, en les plantant pour faire germer un nouveau monde, je dis aimez Gil. Aimez Gil. Une prière dans la voix la plus basse, la voix la plus insignifiante qui puisse être. Aimez Gil.
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2097, la conquête spatiale est en passe de franchir une étape majeure. Trois vaisseaux rejoindront Titan, la plus grande lune de Saturne, avec cinquante-trois cuves d'azote liquide contenant le patrimoine génétique terrestre d'un million d'espèces. Mais le temps presse, devant la dégradation irrémédiable de notre planète Terre.
Depuis l'envoi réussi de la sonde Huygens sur Titan le 14janvier 2005, Élisabeth Filhol imagine une mission spatiale en direction de Titan. Sister-ship est construit en deux temps parallèles. D'une part le discours de Lee Wang (directeur de l'Agence spatiale internationale) pour le Congrès annuel d'astronautique à Darwin en 2082, qui annonce le lancement de ce vaste programme de sauvegarde du vivant, sur le modèle de la grande Arche biblique. Et d'autre part, quinze ans plus tard, le journal de bord de l'équipage de l'Olympic, un des trois vaisseaux jumeaux (sister-ships) en approche de Titan, le corps céleste qui ressemble le plus à ce qu'était notre Terre primitive dans tout le Système solaire. On accompagne les cinq astronautes sous la protection de Milena, l'intelligence artificielle de la mission, avec dans les soutes du vaisseau ce que la planète a de plus précieux, graines, spores et gamètes mâle et femelle de chaque espèce. Le contenu d'une cinquante-troisième cuve qui contient le génome humain a fait débat. Pourtant la mission de l'équipage est claire à son sujet. Mais comment se faire entendre à contre-courant du récit dominant? Que révèle cette épopée ambivalente de notre rapport au vivant, à la Terre, à notre destin d'humanité? C'est la question que vient poser le livre d'Élisabeth Filhol à ce grand discours, projeté avec une formidable précision romanesque. -
Sur cette terrasse d'hôtel, l'été, on aurait pu se croire dans un genre d'oasis. Je regardais les gens assis autour de moi, j'entrais dans ces vies parce que chacune aurait pu être la mienne, et aussi parce qu'elles ne l'étaient pas, justement.
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« J'ai tâché d'être drôle sans faire d'humour, d'être légère sans être gaie, d'être optimiste sans jamais être confiante », écrit Gaïa à son éditeur en faisant l'aveu de sa propre difficulté dans l'existence. Accablée par son époque, Gaïa croit qu'en changeant de ton et de registre, elle aura une existence légère et gaie, celle qu'elle voudrait raconter dans le livre qu'elle n'a pas encore écrit. Mais il y a ses parents. Ils ont beau vivre à New-York, ils s'incrustent dans sa vie. Au téléphone, le père, qui se convertit au judaïsme, commente inlassablement Joyce ou Hegel. Comment écrire une comédie avec des parents pas comiques ? À New-York, sa mère démolit son projet. C'est un peu léger, lui reproche-t-elle. C'est exactement l'objet du livre. Et surtout fuir l'amour. Mais quand Gaïa rencontre Marcus à New-York, elle comprend qu'on ne peut pas s'en débarrasser si facilement. Il lui faut chercher l'inspiration ailleurs. Peut-être au magazine où elle est journaliste de mode, et durant les soirées convenues qu'elle observe avec ironie. Que reste-t-il de la mode en dehors du fric ? Un écoeurement généralisé plonge Gaïa et ses deux amies dans des conversations alcoolisées et hilarantes. La mode, ce n'est plus un projet d'avenir ! L'a-t-elle seulement déjà été ? Et la littérature ?
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Noms, prénoms, titres et sobriquets est le vingt et unième d'une série de livres, dont dix-sept publiés aux éditions P.O.L. Dans la plupart de ces livres, on retrouve ce que Danielle Mémoire appelle le « Cercle de littérature appliquée » dont la fonction serait de composer et de discuter, parfois non sans aigreur, le livre même que l'on est en train de lire. Les membres du Cercle, toujours les mêmes à de légères variations près, sont également les principaux personnages des fictions qu'ils ourdissent, transforment, déplacent, effacent.
À chaque livre correspond une forme particulière. La forme de Noms, prénoms, titres et sobriquets est celle de l'acrostiche (poème ou strophe où les initiales de chaque vers, lues dans le sens vertical, composent un nom ou un mot-clé). La suite des premières lettres de chacun des paragraphes compose ici, rangés dans l'ordre alphabétique, les noms, prénoms, titres ou sobriquets des membres du « Cercle de littérature appliquée ». Ces paragraphes ne se contentent pas d'épeler les noms des divers personnages mais s'efforcent de poser, ici et là, quelques thèmes dont la suite ménagera les variations ; ils font souvent écho aux livres qui précèdent, ébauchent eux-mêmes parfois des fictions, ou, pour quelques-uns, se donnent à lire comme des manières d'aphorisme, souvent avec humour. -
Métamorphiques est écrit journellement au cours d'une saison d'hiver. Le livre est d'abord composé de six fois neuf poèmes de même forme. On entrevoit quelques possibilités de deviner l'avenir par les moyens verbaux. Le désir de prédire, autant que le bon sens, étant sans doute les choses du monde les mieux partagées. Ici, les signes à déchiffrer sont recherchés dans un corps souffrant et rêvant ; des coïncidences sont reconnues dans la vie sociale afin de déterminer des décisions. L'exploration des signes est une véritable épreuve de lecture du poème. Et puis, le journal se rompt.
Deux séquences font suite, formellement en ruine : les mots sont défaits, des sons foisonnent. Une sorte de discours se constitue, son objet est l'anéantissement de tous les enfermements. Dans une oeuvre radicale, qui recourt à la poésie sonore, Luc Bénazet cherche à saisir les paroles : matières composées de souffles et de lettres, dont la page et l'oralité sont les deux horizons sur lesquels elles apparaissent et se désagrègent.
Un homme est invité à un dîner. Il décide de s'y rendre à pied. Il escalade d'abruptes montagnes, traverse des forêts épaisses, parcourt des plaines fertiles. Il s'émerveille des beautés de la nature et de la variété des vivants. Arrivé à destination, il prend place à table. Il y a là un jardinier, une sexologue, un architecte, une philosophe, un phytothérapeute et tant d'autres convives. La discussion s'engage. Elle est très animée.
Anne-James Chaton dessine les contours de notre monde en relisant l'Histoire Naturelle de Pline l'Ancien. Par le filtre de la langue et des descriptions de l'écrivain latin, contemporain de Néron, l'auteur donne un éclairage inédit sur les interrogations environnementales de notre temps. La terre d'avant l'industrie humaine se réveille et demande des comptes aux générations qui l'ont épuisée. -
Organisé en deux parties articulées autour d'un court poème (« Une question de traduction »), Let, premier livre d'Olivier Brossard, prend sa source dans l'oeuvre du poète états-unien John Ashbery et dans celle du poète florentin Pétrarque. La série de poèmes « USOPEN » est en effet dérivée du Serment du Jeu de Paume de John Ashbery qu'Olivier Brossard a traduit (José Corti, 2015), comme s'il s'agissait d'un « match retour » dans les nombreux échanges entre poésie « américaine » et poésie française. C'est le jeu entre les lettres, les mots et les langues qui anime le livre, jusque dans le dernier long poème « Exzoniere », variation sur les Canzoniere de Pétrarque. Il s'agit moins de passer à travers les mailles du filet du langage que de les éprouver en s'y faisant prendre : une balle « let » est une balle qui touche le filet avant de retomber sur le terrain adverse. C'est l'ancienne question de la possibilité même de la parole poétique et lyrique qui est ici à nouveau lancée.
Le nom Let en anglais signifie obstacle ; que le mot devienne un verbe, il se fait alors proposition et invitation : le jeu des poèmes explore cette tension au coeur de la parole poétique entre retenue et permission, au beau milieu du langage. Let, c'est aussi le début de « lettres » : peut-être pour réussir à dire les choses suffit-il de commencer, d'accepter d'avoir de la suite dans les mots en jouant le jeu de la lecture et de l'écriture. -
« Tu es né à Draâ Ben Khedda, près de Tizi Ouzou, sur une montagne magique. Au fil des ans, tu subis les affres d'une décolonisation ratée sur une terre hostile à Alger. Par-dessus le marché, ton père s'avère ne pas être ton père et ta patrie se compromet dans des querelles fratricides. Alors, comme tant d'autres, tu suis l'exode aveugle qui, de logements radieux en prisons modèles, clouera définitivement le bec à tes illusions. Dans un ultime baroud tu t'engages à la Légion étrangère où tu te fonds sans mal dans le paysage. On te retrouve femme de ménage nettoyant l'infirmerie en préfabriqué d'un Quartier anonyme. C'est là, parmi les serpillières et sous l'accablante moiteur, que tu décides enfin de ton sort : tu allais devenir le premier homme à partir dans la jolie fusée qui te nargue derrière ses feuilles de palme. Et c'est ainsi qu'avec l'aide de mercenaires décatis et de putains, tu mets sur pied le premier vol habité d'Ariane. »
On retrouve dans ce récit poétique composé comme une BD sans dessins, avec collages, éclats de voix, digressions mentales, messes basses, compositions abstraites, anecdotes déjantées, les personnages de plusieurs livres de Frédéric Léal depuis Selva ! en 2002. Mais cette fois, les protagonistes décident d'aider un légionnaire cafardeux à s'envoler dans la fusée Ariane. Un roman débridé, pratiquant l'auto-science-fiction et promouvant une forme de résilience trash. -
« Je devais me rendre chez un ami / il habitait un endroit reculé dont je ne savais rien. / J'appréhendais la longue marche qui m'attendait. / Je craignais de me perdre. / Je cherchais un guide / j'en consultais de nombreux. / Après réflexion, j'arrêtais mon choix / j'emporterai L'Histoire naturelle de Pline l'Ancien. / Le livre conduirait mes pas jusqu'à bon port. »
Un homme est invité à un dîner. Il décide de s'y rendre à pied. Il escalade d'abruptes montagnes, traverse des forêts épaisses, parcourt des plaines fertiles. Il s'émerveille des beautés de la nature et de la variété des vivants. Arrivé à destination, il prend place à table. Il y a là un jardinier, une sexologue, un architecte, une philosophe, un phytothérapeute et tant d'autres convives. La discussion s'engage. Elle est très animée.
Anne-James Chaton dessine les contours de notre monde en relisant l'Histoire Naturelle de Pline l'Ancien. Par le filtre de la langue et des descriptions de l'écrivain latin, contemporain de Néron, l'auteur donne un éclairage inédit sur les interrogations environnementales de notre temps. La terre d'avant l'industrie humaine se réveille et demande des comptes aux générations qui l'ont épuisée. -
Jacques Jouet a déjà publié, chez P.O.L, de « courts romans de dames », ayant pour personnage principal une héroïne dotée d'un destin particulier, et avec l'ambition de travailler sur des figures féminines possibles, liées au temps présent : Une mauvaise maire (2007), La seule fois de l'amour (2012), Un dernier mensonge (2013). À terme, Jacques Jouet rêve d'une galerie de personnages comme on en trouve dans les romans et nouvelles de Henry James, et poursuit son catalogue de « vies potentielles ». Avec ces deux nouveaux romans, également situés de nos jours, il tente à chaque fois de décliner avec humour, et d'interroger de façon romanesque, une supposition initiale. Pour Valentine expliquée : Que se passe-t-il si une femme est dite, en société, ne pas avoir besoin de la psychanalyse et se sent exclue, vexée au plus haut point de cette originalité qu'elle n'a pas recherchée ? Pour Madame Greuse : Que se passe-t-il si une femme fait des ménages à seule fin de se payer, chez elle, une femme de ménage ? Jusqu'à contredire, selon l'auteur lui-même, le proverbe portugais : Uma empregada de limpeza não tem uma empregada de limpeza (« Une femme de ménage n'a pas de femme de ménage. ») Jouet observe ainsi les conduites de ses contemporains, en sémiologue amateur, et explore de façon irrésistible les possibles de chaque existence.