Historien de l'URSS stalinienne, Nicolas Werth a éprouvé le besoin d'aller sur place, à la recherche des traces du plus grand système concentrationnaire du vingtième siècle. La route de la Kolyma est le récit de cette expédition insolite et fascinante dans l'immense contrée isolée de la Sibérie orientale, à neuf heures de vol de Moscou. Région emblématique du Goulag, la Kolyma, grande comme deux fois la France, est aujourd'hui une région sinistrée, aux villes dépeuplées. Nicolas Werth a rencontré les derniers survivants des camps, mais aussi les membres de l'association Memorial qui luttent pour que cette page sombre de l'Histoire ne soit pas oubliée. Il a sillonné les pistes de la Kolyma, pour tenter de retrouver les vestiges des camps de travail forcé, où les détenus extrayaient, dans des conditions extrêmes, l'or, la grande richesse de la Kolyma. Une quête souvent vaine, tant les traces se sont effacées dans ces terres que l'homme n'a jamais véritablement conquises. Comment appréhender cette civilisation disparue ? Ce voyage à la recherche de la Kolyma perdue est aussi une réflexion sur le métier d'historien.
En 1939, l'URSS annexe une partie de l'Europe centrale et orientale. Durant la décennie qui suit, un million d'Allemands, de Biélorusses, d'Estoniens, de Lettons, de Lituaniens, de Polonais, de Hongrois, d'Ukrainiens, dont de nombreux juifs, sont arrêtés par familles entières. Les hommes sont envoyés dans des camps de travail, les femmes, les enfants et les plus âgés sont déplacés dans des villages du Grand Nord soviétique, en Sibérie ou dans les steppes kazakhes.
Dans un récit bouleversant, Marta Craveri et Anne Marie Losonczy restituent ce pan longtemps ignoré de l'histoire du Goulag en donnant la parole aux témoins qui n'étaient encore que des enfants ou des adolescents lorsqu'ils furent déportés. La violence, la peur, le danger, la lutte pour la survie ont constitué, des décennies durant, le quotidien de ces jeunes, sans pour autant faire disparaître les joies de l'enfance, les liens d'amitié, la curiosité. Une fois libérés, à compter du milieu des années 1950, parfois beaucoup plus tard, revenant sur leur terre natale devenue étrangère, ces adultes à l'enfance confisquée ont dû reconstruire une vie, une identité. Ils ont su faire face à la suspicion et au silence liés à ces crimes qui peinent encore à trouver une place dans la mémoire collective européenne.