Le 27 avril 1848, alors que la France abolit l'esclavage pour la seconde fois, le gouvernement accorde dans le même temps une indemnité aux colons « dépossédés » de leurs esclaves. Ils reçoivent, par la loi du 30 avril 1849 et son décret d'application du 24 novembre 1849, 126 millions de francs, en versement direct et en rentes.
La France traverse alors une crise économique et cette indemnité représente 7 % des dépenses publiques. Les législateurs prennent pourtant la décision de la verser : c'est la condition que les anciens propriétaires d'esclaves posent à l'Émancipation générale. Tout en abolissant l'esclavage, la France ne veut ni perdre ses possessions ni supprimer l'ordre colonial.
Cet ouvrage reproduit les discussions qui ont conduit à l'élaboration de cette loi. S'y trouvent les plaidoyers des planteurs, les positions de personnalités telles que Cyrille Bissette ou Victor Schoelcher, les échanges au sein de la commission instituée pour en préparer le règlement et les délibérations parlementaires qui ont suivi. Ces textes permettent de saisir les enjeux de cette indemnisation dont les conséquences sont dénoncées aujourd'hui.
La mer entourant les colonies insulaires de la Caraïbe n'a jamais été une barrière et encore moins un obstacle insurmontable, mais au contraire une véritable voie vers les autres colonies. En 1833, alors que la France maintient l'esclavage, l'Angleterre l'abolit et cette décision qui ouvre l'ère des abolitions européennes ultérieures provoque des évasions d'esclaves à partir des colonies françaises de la Guadeloupe et de la Martinique.
Georges Bernard Mauvois (1949-2011), dans cet ouvrage qu'il n'a pas eu le temps de parfaire avant sa disparition, traite de cette question peu documentée par la recherche historique. Patiemment, il a traqué les traces archivistiques qui permettent de retrouver ces figures d'esclaves de la Martinique qui risquèrent leur vie pour rejoindre les colonies anglaises de Sainte-Lucie ou de la Dominique. Bravant les interdictions, les menaces et surmontant leurs peurs, ces hommes et ces femmes ont rejoint, par la mer, ces terres étrangères qui étaient, pour eux, promesse de liberté.
Cette étude, bien qu'inachevée, est un document pour l'histoire car elle jette les bases pour de nouvelles recherches à venir. Sa publication est aussi un hommage à un historien et érudit dont les travaux originaux ont toujours cherché à reconstruire un sujet esclave ou affranchi agissant pour établir ou défendre sa liberté.
Honneur et respect.