Agathon a réuni ses amis pour fêter son récent succès au concours de tragédie : les invités prononcent chacun un discours en l'honneur de l'amour. Intervenant après Phèdre, Pausanias, Eryximaque, Aristophane et Agathon lui-même, Socrate place son éloge sur un autre plan : l'amour n'est ni la beauté ni la bonté, il en est le désir. Alcibiade arrive alors, totalement ivre... La beuverie se prolonge toute la nuit.Ce dialogue, l'un des plus célèbres de Platon (428-347 av. J.-C.), exprime un aspect essentiel de sa philosophie : s'il sait dépasser la simple attraction physique, l'amour incite à la contemplation des Idées, de l'essence des choses.
Le savoir n'est rien sans la raison. En rédigeant Le Discours de la méthode - en français, et non en latin -, Descartes (1596-1650) entend " libérer " la raison et la rendre à tous ses légitimes possesseurs, les êtres humains : " instrument universel ", elle peut nous " rendre comme maîtres et possesseurs de la nature ".
Par son extraordinaire remise en cause des connaissances acquises, Descartes transforma et refonda la philosophie occidentale.
Oeuvre de circonstance en pleine Renaissance, Le Prince s'est métamorphosé en livre de référence. Les principes de gouvernement définis par Machiavel ont infusé dans la pensée au point d'engendrer un adjectif, « machiavélique », qu'il faut entendre non comme « cynique », mais comme « pragmatique », dissociant morale et politique.
Le Prince constitue un manuel incontournable sur le pouvoir, la façon de l'obtenir, de le maintenir, de le garantir.
En 1894, Élisée Reclus est invité, à la suite des attentats qui ont frappé Paris, à défendre l'anarchisme. Avec une concision lumineuse, le géographe de renom en éclaire les principes et l'inscrit dans une longue tradition de contestation. Son « optimisme de la santé », théorisé par François Bégaudeau dans une préface inédite, le conduit à concevoir progrès scientifique et progrès de l'humanité comme agissant de concert pour l'émancipation de l'individu. La liberté de penser qui se répand fait ainsi de tout un chacun un anarchiste « sans le savoir ».
En 1542, six ans après sa mort, celui qui était considéré comme le Prince de la République des Lettres est décrété par les théologiens de la Sorbonne « fol, insensé, injurieux à Dieu, à Jésus-Christ, à la Vierge, aux Saints, aux ordonnances de l'Église, aux cérémonies ecclésiastiques, aux théologiens, aux ordres mendiants ».
Homme de la synthèse entre christianisme et philosophie païenne, Érasme réalise le difficile équilibre entre foi et savoir.
« Vieillir est une chance. Vieillir est un avantage. Vieillir est un destin dépendant aussi de son attitude de vie devant l'existant.» Ainsi s'ouvre la préface que Laure Adler donne à l'Éloge de la vieillesse, un court texte philosophique de Cicéron, d'un ton résolument optimiste. De ce guide universel découle une leçon de vie d'une puissance sereine, pour affronter la peur de vieillir et enseigner « la joie de mourir », une « allégresse à tenir la mort en respect et à savoir l'apprivoiser ».
Pourquoi devons-nous travailler ?
Paul Lafargue (1842-1911), penseur socialiste, tente de comprendre l'amour absurde du travail, « cette étrange folie qui possède les classes ouvrières des nations où règne la civilisation capitaliste ».
Relire Le Droit à la paresse nous rappelle que la liberté d'employer le temps est fondamentale.
Sénèque, philosophe latin né à Cordoue, a vécu entre le Ier siècle avant et le Ier siècle après Jésus-Christ. Il suit des études de réthorique et de philosophie à Rome mais est contraint à l'exil en 41 avant J.-C. À son retour à Rome, il devient le précepteur du jeune Néron et compose une satire excessivement mordante de sa société. Dans ces lettres, il s'adresse à son vieil ami Lucilius. D'origine modeste, Lucilius parvient, à force de mérites, au rang de chevalier, puis de procurateur de Sicile, au moment de sa correspondance avec Sénèque. Quoiqu'amis de longue date, Lucilius est plus jeune que Sénèque, il est donc tout à sa place dans son rôle de disciple. C'est durant les quelques mois précédant son suicide que Sénèque rédige cette correspondance sous la forme d'un recueil d'écrits moraux.
Le Manifeste du Parti communiste demeure, près de cent cinquante ans après sa parution, un texte de combat. Il est temps de lire Marx, enfin débarrassé des catéchismes et des chapelles qui s'en sont inspirés et se le sont approprié en érigeant sa pensée en dogme messianique, le lire pour ce qu'il est : un théoricien révolutionnaire.
Philosophe russe, révolutionnaire et théoricien de l'anarchisme, Mikhaïl Aleksandrovitch Bakounine s'oppose dès 18 ans aux institutions, abandonnant une carrière militaire et refusant de devenir fonctionnaire. Étudiant et traducteur, il parcourt l'Europe et bouscule par ses écrits l'ordre établi. Citations : "Amoureux et jaloux de la liberté humaine, et la considérant comme la condition absolue de tout ce que nous adorons et respectons dans l'humanité, je retourne la phrase de Voltaire, et je dis : Si Dieu existait réellement, il faudrait le faire disparaître." - "L'enfant n'appartient ni à sa famille, ni à la société, mais à sa future liberté."
Près de vingt-trois siècles après sa rédaction, la Poétique d'Aristote continue d'influencer la pensée critique et esthétique. L'art ne vise pas, chez Aristote, un état, mais une action. On mesure là ce qu'il y a d'étonnamment actuel dans cette poétique qui envisage l'oeuvre sous l'aspect de l'action.
Au delà des normes et des règles demeure la puissance d'une interrogation philosophique qui ne cesse de s'étonner du phénomène artistique, et de nous en étonner.
« Jouir est tout. »
Voilà ce qu'il y a à retenir de cet ouvrage du xixe siècle, écrit à plusieurs mains par des auteurs anonymes et décrivant avec malice et impudeur « 40 manières de foutre ».
Du fauteuil suspendu au « bâton de sucre d'orge », le texte fait la part belle aux méthodes les plus audacieuses et les plus cocasses pour atteindre la jouissance sexuelle.
Un manuel grivois pour rire et rougir.
Voltaire, premier défenseur des végétariens !
Le philosophe condamne la responsabilité des hommes dans la souffrances des bêtes. Elle révèlerait le rapport que nous avons au mal et à la douleur de l'autre.
Cet ensemble de textes constitue un plaidoyer percutant qui rejoint nos préoccupations actuelles, en questionnant nos modes de vie et nos pratiques alimentaires.
L'oisiveté (otium) n'était pas pour les Romains un vilain défaut mais, au contraire, le contrepoint nécessaire au negotium, à l'activité, celle des affaires courantes et extraordinaires, qui dilapident le temps et exacerbent les passions. Pour autant, pas question de « ne rien faire ». Pour le sage, être oisif, c'est choisir la retraite, l'exil intérieur et le repli sur l'activité méditative. Préférer l'étude de la nature et la contemplation, pour trouver le bonheur. Dans notre époque où tout va trop vite, apprenons à nous débrancher. Adoptons le programme de Sénèque.
« Il n'y a pas d'enfants stupides, il n'y a que des éducations imbéciles. »
Ennui des élèves, découragement des enseignants... l'avertissement de Raoul Vaneigem détonne, questionnant les valeurs et le rôle majeur de l'école dans la société. Il appelle à réenchanter la salle de classe, refuser la soumission, et remettre l'humanité au coeur de l'éducation. À retrouver un lieu d'autonomie, de savoir heureux et de création épanouissante, c'est-à-dire « ouvrir l'école sur une société ouverte ».
« Il faut bien prendre garde que le sophiste, en nous vantant trop sa marchandise, ne nous trompe comme les gens qui nous vendent tout ce qui est nécessaire pour la nourriture du corps ; car ces derniers, sans savoir si les denrées qu'ils débitent sont bonnes ou mauvaises pour la santé, les vantent excessivement pour les mieux vendre, et ceux qui les achètent ne s'y connaissent pas mieux qu'eux... » Comédie philosophique, le Protagoras met en scène l'affrontement du philosophe Socrate avec des sophistes, ces professeurs de rhétorique plus préoccupés de pouvoir et d'efficacité que de vérité. Platon nous convie à un dialogue-spectacle qui démontre avec humour que la vertu est une valeur en soi, digne d'être enseignée.
Napoléon n'a jamais eu le temps d'écrire le traité de guerre qu'il projetait. Comment faire la guerre comble ce manque.
« Pour Napoléon, l'art de la guerre est tout de mouvement : surprendre l'ennemi, le contourner et l'encercler, puis l'enfoncer », analyse Jean Tulard, dans une préface inédite qui vient éclairer les 216 maximes napoléoniennes rassemblées par Gérard Guégan.
Préface de Jean Tulard
« La durée de la vie de l'homme? Un point. Sa substance? Un flux. Ses sensations? De la nuit. Tout son corps? Un agrégat putrescent. Son âme ? Un tourbillon. Sa destinée? Une énigme insoluble. La gloire? Une indétermination. En un mot, tout le corps n'est qu'un fleuve ; toute l'âme, un songe et une fumée ; la vie, un combat, une halte en pays étranger; la renommée posthume, c'est l'oubli. Qui donc peut nous guider? Une seule et unique chose, la philosophie.»
Alors que Rome est menacée à ses frontières par les barbares, l'empereur Marc Aurèle (121-181) note chaque jour, dans un dialogue avec lui-même, les réflexions et les déceptions que lui inspire le monde. De grandes pages, émouvantes par leur humanité, qui disent les tourments d'un homme et la sérénité dans le stoïcisme.
« Revenir à son origine s'appelle être au repos / Être au repos s'appelle revenir à la vie / Revenir à la vie s'appelle être constant. » Manuel de conduite personnelle et politique, rarement ouvrage aura suscité autant de commentaires. Le Tao te king ou Livre de la Voie et de la Vertu a sans doute été écrit au VIème siècle avant l'ère chrétienne. Son influence s'étend quasi à tous les domaines de la vie : la religion, l'art, la littérature, la santé, la nature. Il est considéré comme la bible du taoïsme.
Depuis de trop longues minutes déjà, un prétentieux pérore devant vous et toute l'assemblée. Il a le don de
gâcher votre soirée. Vous aimeriez que cela cesse, vous cherchez en vain le bon mot qui le remettrait à sa place
et le ferait taire. Rien ne vient ; plus frustrant encore, la formule appropriée arrive trop tard. C'est que, avoir de
la répartie, cela s'apprend ! Rien de tel que de s'inspirer du talent des autres pour clouer le bec à son adversaire.
Olivier Clodong a sélectionné le meilleur des petites phrases, celles qui ont été forgées et utilisées par les plus
grands, écrivains, acteurs de théâtre, hommes politiques et humoristes, pour répliquer aux cons, aux emmerdeurs,
aux suffisants et aux sans-gêne de tout poil.Olivier Clodong est un spécialiste de la communication politique. Amateur de joutes verbales, il est notamment l'auteur aux éditions Mille et une nuits de Quand les politiques se lâchent ! (2011) et de Politiques : le cumul des mandales (2013).
Denis Diderot
L'ENCYCLOPÉDIE
50 ARTICLES FONDAMENTAUX
Édition établie par Jérôme Vérain
Anthologie inédite
On sait que Denis Diderot (1713-1784) fut de loin le principal artisan de l'Encyclopédie, ou Dictionnaire raisonné des arts, des sciences et des métiers. Resté seul, avec une équipe restreinte, après le départ de D'Alembert en 1759, il prêta la main à plusieurs milliers d'articles et en écrivit plus de 1 700 pour achever les 17 volumes en 1765.
Ce livre est la première édition séparée d'articles signés de Diderot. On y lit en condensé l'esthétique, la morale et la philosophie matérialistes qui lui valurent les foudres de l'Église et du pouvoir.
En cinquante articles fondamentaux se dessine un autoportrait du philosophe. Ses convictions, qui s'expriment prestement, débouchent sur une critique audacieuse des institutions et de la vie sociale. Diderot y formule des concepts et des revendications qui allaient nourrir la Révolution à venir.
Dans les derniers jours de mai 1871, les troupes d'Adolphe Thiers écrasent la Commune.
De Londres, où il est exilé, Karl Marx a suivi la période révolutionnaire qui, depuis le 26 mars 1871, a vu le prolétariat parisien prendre le pouvoir dans la capitale assiégée par les Prussiens : c'est que, pour la première fois, a été mise en place une forme autonome de gouvernement ouvrier. Il ne croyait pas à la possibilité de la révolution. Il a été impressionné par l'héroïsme du peuple parisien.
Au lendemain de la « Semaine sanglante », il tire les leçons de la défaite : la guerre civile en France, en 1871, c'est le massacre de la population par le gouvernement français et son armée aux mains de la canaille bourgeoise de Versailles. Prendre le pouvoir ne suffit pas.
Écrit de décembre 1851 à mars 1852 dans des conditions matérielles très précaires, Le 18 brumaire analyse l'histoire immédiate du coup d'État qui, le 2 décembre 1851, porte le neveu de Napoléon à la tête de ce qui va devenir le Second Empire. En plaçant le coup d'État dans son contexte économique, social et culturel, Marx nous en donne une interprétation brillante où il dévoile la nature d'un État vampire, animé par une caste de bureaucrates surnuméraires qui dévore la société civile. Cette intelligence claire des événements, au moment même où ils se déroulent, est, en efet, exemplaire.
« L'histoire de France, quel ennui... »
C'est votre opinion ? Alors ce livre a été écrit pour vous. Car l'histoire de France, en réalité, c'est mille ans de film d'action et je vais vous le prouver. La scène ? Elle est grande comme l'Europe. Le décor ? Des palais, des gibets, des bals masqués, des bûchers et des champs de bataille encore fumants. Le pitch ? Des rois fastueux chevauchent de défaites en victoires, escortés par des chevaliers en armure, des ministres sournois, des moines déments et des reines étranglées.
Avec, en guest starts, une princesse qui collectionne dans les boites d'argent les coeurs de ses amants, un pape qui boit du sang de petit garçon, un vieux souverain qui gagne une guerre en saoulant toute l'armée ennemie, un jeune despote qui fait payer un sac d'or le droit de le regarder assis sur sa chaise percée et un fier guerrier bouilli dans un chaudron, comme un vulgaire pot au feu.
(Notez bien : le livre que vous avez entre les mains n'est pas l'oeuvre d'une historienne, c'est bien celle d'une amateur de livres d'histoire. Il a été relu et approuvé par un véritable historien.)