Agathon a réuni ses amis pour fêter son récent succès au concours de tragédie : les invités prononcent chacun un discours en l'honneur de l'amour. Intervenant après Phèdre, Pausanias, Eryximaque, Aristophane et Agathon lui-même, Socrate place son éloge sur un autre plan : l'amour n'est ni la beauté ni la bonté, il en est le désir. Alcibiade arrive alors, totalement ivre... La beuverie se prolonge toute la nuit.Ce dialogue, l'un des plus célèbres de Platon (428-347 av. J.-C.), exprime un aspect essentiel de sa philosophie : s'il sait dépasser la simple attraction physique, l'amour incite à la contemplation des Idées, de l'essence des choses.
Le savoir n'est rien sans la raison. En rédigeant Le Discours de la méthode - en français, et non en latin -, Descartes (1596-1650) entend " libérer " la raison et la rendre à tous ses légitimes possesseurs, les êtres humains : " instrument universel ", elle peut nous " rendre comme maîtres et possesseurs de la nature ".
Par son extraordinaire remise en cause des connaissances acquises, Descartes transforma et refonda la philosophie occidentale.
Oeuvre de circonstance en pleine Renaissance, Le Prince s'est métamorphosé en livre de référence. Les principes de gouvernement définis par Machiavel ont infusé dans la pensée au point d'engendrer un adjectif, « machiavélique », qu'il faut entendre non comme « cynique », mais comme « pragmatique », dissociant morale et politique.
Le Prince constitue un manuel incontournable sur le pouvoir, la façon de l'obtenir, de le maintenir, de le garantir.
« À force de parler d'amour, on devient amoureux. »
Pascal, penseur et mathématicien, grand observateur de la nature humaine, est-il l'auteur de ce
Discours sur les passions de l'amour ? C'est un discours mystérieux, où la mécanique contradictoire du sentiment est analysée avec la précision d'un traité de physique.
Il s'agit tout à la fois d'un art d'aimer et d'un portrait moral de l'amoureux.
Un livre à (re)découvrir, pour les passionnés de l'amour comme de l'esprit.
En 1542, six ans après sa mort, celui qui était considéré comme le Prince de la République des Lettres est décrété par les théologiens de la Sorbonne « fol, insensé, injurieux à Dieu, à Jésus-Christ, à la Vierge, aux Saints, aux ordonnances de l'Église, aux cérémonies ecclésiastiques, aux théologiens, aux ordres mendiants ».
Homme de la synthèse entre christianisme et philosophie païenne, Érasme réalise le difficile équilibre entre foi et savoir.
« Vieillir est une chance. Vieillir est un avantage. Vieillir est un destin dépendant aussi de son attitude de vie devant l'existant.» Ainsi s'ouvre la préface que Laure Adler donne à l'Éloge de la vieillesse, un court texte philosophique de Cicéron, d'un ton résolument optimiste. De ce guide universel découle une leçon de vie d'une puissance sereine, pour affronter la peur de vieillir et enseigner « la joie de mourir », une « allégresse à tenir la mort en respect et à savoir l'apprivoiser ».
Pourquoi devons-nous travailler ?
Paul Lafargue (1842-1911), penseur socialiste, tente de comprendre l'amour absurde du travail, « cette étrange folie qui possède les classes ouvrières des nations où règne la civilisation capitaliste ».
Relire Le Droit à la paresse nous rappelle que la liberté d'employer le temps est fondamentale.
Sénèque, philosophe latin né à Cordoue, a vécu entre le Ier siècle avant et le Ier siècle après Jésus-Christ. Il suit des études de réthorique et de philosophie à Rome mais est contraint à l'exil en 41 avant J.-C. À son retour à Rome, il devient le précepteur du jeune Néron et compose une satire excessivement mordante de sa société. Dans ces lettres, il s'adresse à son vieil ami Lucilius. D'origine modeste, Lucilius parvient, à force de mérites, au rang de chevalier, puis de procurateur de Sicile, au moment de sa correspondance avec Sénèque. Quoiqu'amis de longue date, Lucilius est plus jeune que Sénèque, il est donc tout à sa place dans son rôle de disciple. C'est durant les quelques mois précédant son suicide que Sénèque rédige cette correspondance sous la forme d'un recueil d'écrits moraux.
Près de vingt-trois siècles après sa rédaction, la Poétique d'Aristote continue d'influencer la pensée critique et esthétique. L'art ne vise pas, chez Aristote, un état, mais une action. On mesure là ce qu'il y a d'étonnamment actuel dans cette poétique qui envisage l'oeuvre sous l'aspect de l'action.
Au delà des normes et des règles demeure la puissance d'une interrogation philosophique qui ne cesse de s'étonner du phénomène artistique, et de nous en étonner.
Voltaire, premier défenseur des végétariens !
Le philosophe condamne la responsabilité des hommes dans la souffrances des bêtes. Elle révèlerait le rapport que nous avons au mal et à la douleur de l'autre.
Cet ensemble de textes constitue un plaidoyer percutant qui rejoint nos préoccupations actuelles, en questionnant nos modes de vie et nos pratiques alimentaires.
L'oisiveté (otium) n'était pas pour les Romains un vilain défaut mais, au contraire, le contrepoint nécessaire au negotium, à l'activité, celle des affaires courantes et extraordinaires, qui dilapident le temps et exacerbent les passions. Pour autant, pas question de « ne rien faire ». Pour le sage, être oisif, c'est choisir la retraite, l'exil intérieur et le repli sur l'activité méditative. Préférer l'étude de la nature et la contemplation, pour trouver le bonheur. Dans notre époque où tout va trop vite, apprenons à nous débrancher. Adoptons le programme de Sénèque.
« Il faut bien prendre garde que le sophiste, en nous vantant trop sa marchandise, ne nous trompe comme les gens qui nous vendent tout ce qui est nécessaire pour la nourriture du corps ; car ces derniers, sans savoir si les denrées qu'ils débitent sont bonnes ou mauvaises pour la santé, les vantent excessivement pour les mieux vendre, et ceux qui les achètent ne s'y connaissent pas mieux qu'eux... » Comédie philosophique, le Protagoras met en scène l'affrontement du philosophe Socrate avec des sophistes, ces professeurs de rhétorique plus préoccupés de pouvoir et d'efficacité que de vérité. Platon nous convie à un dialogue-spectacle qui démontre avec humour que la vertu est une valeur en soi, digne d'être enseignée.
« La durée de la vie de l'homme? Un point. Sa substance? Un flux. Ses sensations? De la nuit. Tout son corps? Un agrégat putrescent. Son âme ? Un tourbillon. Sa destinée? Une énigme insoluble. La gloire? Une indétermination. En un mot, tout le corps n'est qu'un fleuve ; toute l'âme, un songe et une fumée ; la vie, un combat, une halte en pays étranger; la renommée posthume, c'est l'oubli. Qui donc peut nous guider? Une seule et unique chose, la philosophie.»
Alors que Rome est menacée à ses frontières par les barbares, l'empereur Marc Aurèle (121-181) note chaque jour, dans un dialogue avec lui-même, les réflexions et les déceptions que lui inspire le monde. De grandes pages, émouvantes par leur humanité, qui disent les tourments d'un homme et la sérénité dans le stoïcisme.
« Revenir à son origine s'appelle être au repos / Être au repos s'appelle revenir à la vie / Revenir à la vie s'appelle être constant. » Manuel de conduite personnelle et politique, rarement ouvrage aura suscité autant de commentaires. Le Tao te king ou Livre de la Voie et de la Vertu a sans doute été écrit au VIème siècle avant l'ère chrétienne. Son influence s'étend quasi à tous les domaines de la vie : la religion, l'art, la littérature, la santé, la nature. Il est considéré comme la bible du taoïsme.
Denis Diderot
L'ENCYCLOPÉDIE
50 ARTICLES FONDAMENTAUX
Édition établie par Jérôme Vérain
Anthologie inédite
On sait que Denis Diderot (1713-1784) fut de loin le principal artisan de l'Encyclopédie, ou Dictionnaire raisonné des arts, des sciences et des métiers. Resté seul, avec une équipe restreinte, après le départ de D'Alembert en 1759, il prêta la main à plusieurs milliers d'articles et en écrivit plus de 1 700 pour achever les 17 volumes en 1765.
Ce livre est la première édition séparée d'articles signés de Diderot. On y lit en condensé l'esthétique, la morale et la philosophie matérialistes qui lui valurent les foudres de l'Église et du pouvoir.
En cinquante articles fondamentaux se dessine un autoportrait du philosophe. Ses convictions, qui s'expriment prestement, débouchent sur une critique audacieuse des institutions et de la vie sociale. Diderot y formule des concepts et des revendications qui allaient nourrir la Révolution à venir.
Écrit de décembre 1851 à mars 1852 dans des conditions matérielles très précaires, Le 18 brumaire analyse l'histoire immédiate du coup d'État qui, le 2 décembre 1851, porte le neveu de Napoléon à la tête de ce qui va devenir le Second Empire. En plaçant le coup d'État dans son contexte économique, social et culturel, Marx nous en donne une interprétation brillante où il dévoile la nature d'un État vampire, animé par une caste de bureaucrates surnuméraires qui dévore la société civile. Cette intelligence claire des événements, au moment même où ils se déroulent, est, en efet, exemplaire.
Pour Marie Haskell, l'éternelle aimée, Khalil Gibran conserve tous les mots qu'il griffone sur des petits bouts de papier ou dans son carnet. En 322 aphorismes, il compose un recueil d'images et de pensées qui constituent la part la plus intime du poète, un autoportrait fragmentaire qu'il dédie à celle qui n'a pas voulu l'épouser.
"Ce petit livre n'est qu'une poignée de sable et une autre d'écume.
Bien que dans ces grains de sable j'aie semé les grains de mon coeur et que sur son écume, j'aie versé la quintessence de mon âme, ce recueil est, et restera à jamais, plus près des rivages que de la mer, du désir limité que du désir accompli."
Khalil Gibran
L'oeuvre de Michel Foucault désoriente : considérée parfois comme celle d'un philosophe, parfois encore comme celle d'un historien ou d'un critique de la culture, elle ne cesse de déplacer ses choix méthodologiques, ses champs d'enquête et son outillage conceptuel ; elle surprend souvent par la beauté de son écriture ; elle irrite aussi, car ce voisinage avec la pratique littéraire dérange. Judith Revel propose un parcours dans la pensée foulcadienne qui prenne précisément pour guide cette apparente discontinuité des thèmes, des approches et des instruments. Nous avons fait le pari qu'il y avait à lire derrière l'éparpillement apparent des recherches une véritable pensée du discontinu : un travail philosophique exigeant, sans cesse relancé, sur l'expérience de la pensée et la problématisation de l'actualité ; une cohérence à la fois difficile et forte, qui traverse trente ans de pratique philosophique et nous enjoint plus que jamais à tenter cette ontologie critique de nous-mêmes dont Foucault demeure l'exemple à la fois le plus remarquable et le plus émouvant.
Longtemps considéré comme un"brouillon" de "L'Ethique", le "Traité", véritable méthode, d'ailleurs sous-titrée "Traité de la meilleure voie qui mène à la vraie connaissance des choses", délivre un message philosophique original : l'Homme peut être sauvé. Par quelque intervention divine, par quelque grâce de la Providence? Nullement. Par ses propres moyens, par ses propres forces. Telle est, sans doute, la thèse la plus "hérétique" de la philosophie de Spinoza, aujourd'hui encore inacceptable.
« Jetant un regard rétrospectif sur mon parcours intellectuel, autour d'un objet envahissant et problématique, l'économie, il m'apparaît que mes efforts ont visé à produire ce que les Grecs appelaient une metanoïa, c'est-à-dire un renversement de la pensée. Aujourd'hui, il nous faut renverser nos manières de penser. Parce que le monde n'est plus vivable ainsi, que nous le savons mais restons pris dans les schémas capitalistes et productivistes, il nous faut réinventer notre imaginaire pour trouver une nouvelle perspective existentielle. Qui passera par l'après-développement, la décroissance et l'éco-socialisme. »S. L.
Serge Latouche, professeur émérite d'économie à l'Université d'Orsay, objecteur de croissance, est notamment l'auteur du Petit traité de la décroissance sereine (Mille et une nuits).
En 1746, le privilège du roi est accordé à l'Encyclopédie, aventure dont Diderot est partie prenante. Quelques mois plus tard, paraissent les Pensées philosophiques qui provoquent l'ire du Parlement de Paris, et l'on soupçonne à juste titre Diderot d'en être l'auteur. Dans le volume scandaleux, le philosophe s'attache à explorer les voies d'une morale qui se passerait de religion ; il prône la raison et la libre pensée. La suite décousue d'aphorismes que compose Diderot annonce déjà la manière du Neveu de Rameau et de Jacques le Fataliste. Rééditées au moins deux fois malgré l'interdiction, les Pensées philosophiques est l'un des livres les plus importants du XVIIIe siècle.
Le Point fixe rassemble trois conférences prononcées en 2009 sur l'architecture dogmatique des sociétés. "Pour entrer dans ce champ de recherches, il est nécessaire de revenir vers l'Occident, traité ici à l'instar des civilisations qui se sont développées en dehors de la matrice judéo-romano-chrétienne. Étudiant le noyau dur de la constitution anthropologique euro-américaine, je propose un parcours en trois temps qui, partant d'une mémoire juridique plus de deux fois millénaire, aboutit au panorama des apports théologiques et politiques du christianisme à la domination planétaire occidentale. Entre ces deux pôles, un exposé intermédiaire examine l'exigence logique à laquelle l'espèce parlante est assujettie depuis la Préhistoire et sans discrimination géographique : l'impératif universel d'interpréter. Une préface méditative considère cet horizon et rappelle aussi l'élément à ne jamais oublier, un composant des civilisations : l'agressivité." P. L.
Aujourd'hui, l'intérêt individuel et privé règne dans les sociétés qui ne se définissent que comme la libre association d'individus dotés de droits. L'idée de bien commun a été évacuée. Pourtant, elle traduit un souci réel. Comment penser le bien commun dans un contexte où le politique est dominé par les puissances économiques et financières ? François Flahault retrace l'histoire de cette idée et expose comment, récemment, en réduisant la politique à une habile gestion des affaires publiques, elle a été écartée, et comment les droits de l'homme ont fini par l'évincer... Quand bien même les droits humains ne substituent pas à lui, car ils ne permettent pas de le penser : la Déclaration des droits de l'homme ne dit en effet rien de la finalité des sociétés humaines au-delà de leur utilité pratique, ni ce qui relie entre eux leurs membres. François Flahault redéfinit le bien commun sans faire appel à une quelconque transcendance et éclaire ainsi tous les enjeux actuels de l'existence sociale, autrement recouverts par l'économisme. En quoi coïncide-t-il avec le bien premier de chacun ? Comment s'articulent les liens et les biens ? Quelles sont les relations entre le bien commun (au singulier), les biens communs (au pluriel) et les biens privés ? Quels rapports entre économie marchande et biens communs ? Un État démocratique doit-il assigner une responsabilité aux pouvoirs économiques et financiers au regard du bien commun ? Faut-il, au nom de la liberté individuelle, laisser sans réponse la question de ce qu'est la « vie bonne » ?
L'impression que la déraison domine désormais les hommes accable chacun d'entre nous. Que la rationalisation qui caractérise les sociétés industrielles conduise à la régression de la raison (comme bêtise ou comme folie), ce n'est pas une question nouvelle : Theodor Adorno et Max Horkheimer nous en avertissaient déjà en 1944 - au moment où Karl Polanyi publiait La Grande Transformation.
Cette question a cependant été abandonnée, tandis qu'au tournant des années 1980, la rationalisation de toute activité, rapportée au seul critère de la « performance », était systématiquement et aveuglément orchestrée par la « révolution conservatrice » - imposant le règne de la bêtise et de l'incurie.
Tout en mettant en évidence les limites de la philosophie qui inspirait l'École de Francfort, le post-structuralisme laisse aujourd'hui ses héritiers désarmés devant ce qui s'impose comme une guerre économique planétaire et extrêmement ravageuse.
Naomi Klein a soutenu que la théorie et la pratique ultralibérales inspirées de Milton Friedman reposaient sur une « stratégie du choc ». L'« état de choc » permanent règne cependant depuis le début de la révolution industrielle - et plus encore depuis le temps où s'applique ce que Joseph Schumpeter décrivit comme une « destruction créatrice », caractéristique du modèle consumériste.
À partir des années 1980, sous l'impulsion de Ronald Reagan et Margaret Thatcher, l'état de choc technologique a été suscité par un marketing planétaire ne rencontrant plus aucune limite, imposant la prolétarisation généralisée, et détruisant l'économie libidinale : ainsi s'est installé le capitalisme pulsionnel où la destruction créatrice est devenue une destruction du monde.
L'état de choc est ce que le post-structuralisme n'aura pas pensé, principalement en raison de deux malentendus : 1. quant au sens de la prolétarisation (que Marx pense avant tout comme une perte de savoir induite par un choc machinique), 2. quant à la nature de l'économie libidinale (au sein de laquelle Freud, à partir de 1920, distingue la libido de la pulsion).Bernard Stiegler, philosophe, est notamment l'auteur de La Technique et le Temps, Mécréance et discrédit, Prendre soin. De la jeunesse et des générations et Ce qui fait que la vie vaut la peine d'être vécue. Depuis 2006, il dirige l'Institut de recherche et d'innovation (IRI) et préside l'association Ars Industrialis, Association internationale pour une politique industrielle des technologies de l'esprit.