Filtrer
Gallimard
-
Vivre avec les hommes : Réflexions sur le procès Pelicot
Manon Garcia
- Gallimard Audio
- Écoutez lire
- 7 Mars 2025
- 9782073119179
« Je suis philosophe, je m'intéresse aux rapports entre les femmes et les hommes : après un premier livre sur la soumission des femmes aux hommes, j'ai écrit un ouvrage sur le consentement et les injustices de genre dans la sexualité hétérosexuelle. Je suis aussi une femme de bientôt quarante ans, qui voudrait pouvoir exister dans le monde sans s'inquiéter sans cesse des violences sexistes et sexuelles dont mes amies, mes filles ou moi pourrions être victimes.
J'ai vu les changements apportés par le mouvement #MeToo, je vois le backlash masculiniste qui s'efforce de renvoyer les femmes à leur position de deuxième sexe. Lorsque je découvre les crimes commis sur Gisèle Pelicot, je sais que se condensent dans cette histoire toutes les questions philosophiques qui sont les miennes. J'hésite à aller au procès de Mazan. Puis je me rends à l'évidence : il me faut écrire ce procès et l'expérience que j'en fais, comme philosophe et comme femme. Et tenter de répondre à cette question qui me hante : peut-on vivre avec les hommes ? » -
« Deux siècles de révolte, métaphysique ou historique, s'offrent justement à notre réflexion. Un historien, seul, pourrait prétendre à exposer en détail les doctrines et les mouvements qui s'y succèdent. Du moins, il doit être possible d'y chercher un fil conducteur. Les pages qui suivent proposent seulement quelques repères historiques et une hypothèse de lecture. Cette hypothèse n'est pas la seule possible ; elle est loin, d'ailleurs, de tout éclairer. Mais elle explique, en partie, la direction et, presque entièrement, la démesure de notre temps. L'histoire prodigieuse qui est évoquée ici est l'histoire de l'orgueil européen. »
-
Ci-gît l'amer : guérir du ressentiment
Cynthia Fleury
- Gallimard
- Folio essais
- 1 Septembre 2022
- 9782072981807
La philosophie politique et la psychanalyse ont en partage un problème essentiel à la vie des hommes et des sociétés, ce mécontentement sourd qui gangrène leur existence. Certes, l'objet de l'analyse reste la quête des origines, la compréhension de l'être intime, de ses manquements, de ses troubles et de ses désirs. Seulement il existe ce moment où savoir ne suffit pas à guérir, à calmer, à apaiser. Pour cela, il faut dépasser la peine, la colère, le deuil, le renoncement et, de façon plus exemplaire, le ressentiment, cette amertume qui peut avoir notre peau alors même que nous pourrions découvrir son goût subtil et libérateur. L'aventure démocratique propose elle aussi la confrontation avec la rumination victimaire. La question du bon gouvernement peut s'effacer devant celle-ci : que faire, à quelque niveau que ce soit, institutionnel ou non, pour que cette entité démocratique sache endiguer la pulsion ressentimiste, la seule à pouvoir menacer sa durabilité? Nous voilà, individus et État de droit, devant un même défi : diagnostiquer le ressentiment, sa force sombre, et résister à la tentation d'en faire le moteur des histoires individuelles et collectives.
-
La crise de la culture
Hannah Arendt
Lu par Odile Cohen- Gallimard Audio
- Écoutez lire
- 18 Juin 2025
- 9782073078643
L'homme se tient sur une brèche, dans l'intervalle entre le passé révolu et l'avenir infigurable. Il ne peut s'y tenir que dans la mesure où il pense, brisant ainsi, par sa résistance aux forces du passé infini et du futur infini, le flux du temps indifférent.
Chaque génération nouvelle, chaque homme nouveau doit redécouvrir laborieusement l'activité de pensée. Longtemps, pour ce faire, on put recourir à la tradition. Or nous vivons, à l'âge moderne, l'usure de la tradition, la crise de la culture.
Il ne s'agit pas de renouer le fil rompu de la tradition, ni d'inventer quelque succédané ultra-moderne, mais de savoir s'exercer à penser pour se mouvoir dans la brèche.
Hannah Arendt, à travers ces essais d'interprétation critique - notamment de la tradition et des concepts modernes d'histoire, d'autorité et de liberté, des rapports entre vérité et politique, de la crise de l'éducation -, entend nous aider à savoir comment penser en notre époque.
Avec une grande clarté, Odile Cohen nous conduit dans cet essai fondamental de l'oeuvre d'Hannah Arendt.
Couverture : © Isabel Espanol -
Seul l'Occident moderne s'est attaché à bâtir l'opposition, donc la discontinuité supposée, entre la nature et la culture. L'anthropologie perpétue dans la définition même de son objet - la diversité culturelle sur fond d'universalité naturelle - une opposition dont les peuples qu'elle étudie ont fait l'économie.
Philippe Descola, professeur au Collège de France, propose ici, à partir de traits communs qui se répondent d'un continent à l'autre, une approche nouvelle des manières de répartir continuités et discontinuités entre l'homme et son environnement : le totémisme, qui souligne la continuité matérielle et morale entre humains et non-humains ; l'analogisme, qui postule entre les éléments du monde un réseau de discontinuités structuré par des relations de correspondances ; l'animisme, qui prête aux non-humains l'intériorité des humains, mais les en différencie par le corps ; le naturalisme qui nous rattache aux non-humains par les continuités matérielles et nous en sépare par l'aptitude culturelle.
Chaque mode d'identification autorise des configurations singulières qui redistribuent les existants dans des collectifs aux frontières bien différentes de celles que les sciences humaines nous ont rendues familières. C'est à une recomposition radicale de ces sciences que ce livre invite. -
Traité sur la tolérance à l'occasion de la mort de Jean Calas
Voltaire
- Gallimard
- Folio 2 euros / 3 euros
- 15 Mai 2023
- 9782073033178
Convaincu de l'innocence de Calas exécuté en 1762, Voltaire met sa plume au service de la justice pour demander sa réhabilitation. Le négociant huguenot était accusé du meurtre de son fils qui voulait se convertir au catholicisme.
Avec une ironie mordante et un style inimitable, l'écrivain plaide pour le respect des croyances et l'esprit de tolérance.
Une réflexion très actuelle sur le système judiciaire, la responsabilité des juges et les effets pervers des lois. -
"Nous ne savons pas ce qui nous arrive et c'est précisément ce qui nous arrive", écrit José Ortega y Gasset.
Que nous arrive-t-il ? Qu'arrive-t-il à la France ? Au monde ? Notre impéritie vient-elle d'une myopie à l'égard de tout ce qui dépasse l'immédiat ? d'une perception inexacte ? d'une crise de la pensée ? d'un somnambulisme généralisé ?
Tant de certitudes ont été balayées !
Comment naviguer dans un océan d'incertitude ? Comment comprendre l'histoire que nous vivons ? Comment admettre enfin que, en dégradant l'écologie de notre planète, nous dégradons nos vies et nos sociétés ? Comment appréhender le monde qui se transforme de crise en crise ? Comment concevoir l'aventure inouïe de notre humanité ? Est-ce une course à la mort ou à la métamorphose ?
Serait-ce à la fois l'un et l'autre ?
Réveillons-nous !
E. M.
La voix puissante de Bernard Métraux porte haut et fort cet appel à résister aux tentations réactionnaires. Une lecture indispensable ! -
"L'OEil et l'Esprit est le dernier écrit que Merleau-Ponty put achever de son vivant. Installé, pour deux ou trois mois, dans la campagne provençale, non loin d'Aix, au Tholonet, goûtant le plaisir de ce lieu qu'on sentait fait pour être habité, mais surtout, jouissant chaque jour du paysage qui porte à jamais l'empreinte de l'oeil de Cézanne, Merleau-Ponty réinterroge la vision, en même temps que la peinture. Il cherche, une fois de plus, les mots du commencement, des mots, par exemple, capables de nommer ce qui fait le miracle du corps humain, son inexplicable animation, sitôt noué son dialogue muet avec les autres, le monde et lui-même - et aussi la fragilité de ce miracle."
Claude Lefort. -
Dans cet essai, Jean Baudrillard promène un oeil critique sur les artefacts du monde contemporain. Des parcs d'attractions californiens et de leur promesse de ressusciter l'enfance au Forum des Halles parisien, "sarcophage de la marchandise", en passant par des prouesses biotechnologiques comme le clonage, l'auteur questionne notre rapport à la reproduction tous azimuts des images et des choses. Il entrevoit alors un nouveau régime des simulacres dans lequel le réel n'a pas fini d'être aboli.
"Cette course au réel et à l'hallucination réaliste est sans issue car, quand un objet est exactement semblable à un autre, il ne l'est pas exactement, il l'est un peu plus. Il n'y a jamais de similitude, pas plus qu'il n'y a d'exactitude. Ce qui est exact est déjà trop exact, seul est exact ce qui s'approche de la vérité sans y prétendre". -
Sophia : Philosophie et phénoménologie
Alexandre Kojève
- Gallimard
- Bibliothèque des Idées
- 10 Avril 2025
- 9782073041241
Ce livre qui arrive aujourd'hui à la lumière apporte un éclairage inédit sur une figure aussi légendaire que mystérieuse de la vie intellectuelle française du dernier siècle.
On connaissait Kojève comme l'un des introducteurs de la pensée hégélienne en France par l'enseignement qu'il avait dispensé à l'École pratique des hautes études dans les années 1930. Un enseignement qui allait exercer une influence cruciale sur la philosophie d'après-guerre en raison de l'auditoire de choix qui le suivait, de Raymond Aron à Jacques Lacan en passant par Georges Bataille, Raymond Queneau ou Maurice Merleau-Ponty. On connaissait les grandes lignes de cette lecture de la Phénoménologie de l'esprit par le compte rendu qu'en avait donné Queneau en 1947 sous le titre d'Introduction à la lecture de Hegel.
Mais c'est un Kojève bien différent que révèle ce manuscrit au destin compliqué, écrit fiévreusement entre novembre 1940 et juin 1941 et laissé inachevé. Un Kojève profondément enraciné dans la philosophie russe, pour commencer. Un Kojève, ensuite et surtout, qui donne à sa lecture de Hegel un tour résolument politique, si ce n'est propagandiste, en la plaçant sous le signe du "marxisme-léninisme-stalinisme". C'est une justification de l'URSS qu'il entreprend, en conceptualisant le rôle de l'Empire russe aux prises avec l'histoire universelle, c'est-à-dire contre l'Occident et la social-démocratie bourgeoise.
Dans ce premier tome, conçu comme l'introduction d'une oeuvre monumentale, Kojève donne sa définition de la philosophie, expose sa méthode et fixe son but : contribuer à faire advenir le meilleur des régimes, le communisme, dans le pays destiné à cette mission, à savoir la Russie soviétique. -
"Qu'il soit entendu que je ne donne de leçons à personne. J'essaie de tirer les leçons d'une expérience séculaire et séculière de vie, et je souhaite qu'elles soient utiles à chacun, non seulement pour s'interroger sur sa propre vie, mais aussi pour trouver sa propre Voie."
E.M.
À 100 ans, Edgar Morin demeure préoccupé par les tourments de notre temps. Ce penseur humaniste a été témoin et acteur des errances et espoirs, crises et dérèglements de son siècle. Il nous transmet dans ce livre les enseignements tirés de son expérience centenaire de la complexité humaine.
Leçons d'un siècle de vie est une invitation à la lucidité et à la vigilance. -
La Conscience de Staline : Kojève et la philosophie russe
Rambert Nicolas
- Gallimard
- Bibliothèque des Idées
- 10 Avril 2025
- 9782073087027
"Que s'est-il passé en Russie hier ?" se demandait Kojève en 1941 dans un livre longtemps enfoui qui vient d'être exhumé sous le titre de Sophia. "Que se passera-t-il en Russie demain ?" s'interrogeait en 1877 le père de la philosophie russe, Vladimir Soloviev, dans les Principes philosophiques de la connaissance intégrale, soucieux alors de découvrir la "parole" que la Russie devait lancer à la face du monde pour le transfigurer. Entre eux, il y eut la révolution et le tournant d'un siècle. Et, si Soloviev fondait un système philosophique prérévolutionnaire où il se faisait, selon le mot de ses admirateurs, la "conscience de la Russie", il appartenait à Kojève à la fois d'hériter de cette Russie et de la renverser au nom du soviétisme, jusqu'à s'affirmer lui-même comme la "conscience de Staline", c'est-à-dire la "conscience de l'URSS". C'est cette lutte entre la philosophie religieuse russe fondée par Soloviev et la philosophie athée soviétique construite par Kojève qui est analysée ici.
Dans cet essai on découvrira un Kojève réinscrit dans la culture de son pays, mais aussi une pensée importante et, pourtant, méconnue : la philosophie russe, au rôle déterminant dans les destinées d'une nation en pleine ébullition et expérimentation tant artistiques, politiques que philosophiques. -
À l'heure où le naturalisme (thèse selon laquelle tout ce qui existe - objets et événements - ne comporte de cause, d'explication et de fin que naturelles) exerce une force philosophique et scientifique grandissante, l'oeuvre de Maurice Merleau-Ponty (1908-1961) suscite un regain d'intérêt en raison de son mot d'ordre : le retour aux choses mêmes.
Merleau-Ponty pose comme originaire l'étude de la perception : le corps n'est pas seulement une chose, qui serait un objet potentiel d'étude pour les sciences ; il est une condition permanente de l'expérience, parce qu'il constitue l'ouverture perceptive au monde et à son investissement. Il y a une coappartenance de la conscience et du corps dont l'analyse de la perception doit rendre compte. Merleau-Ponty rompt avec l'ontologie dualiste de Descartes et l'opposition entre les catégories de corps et d'esprit qui est si prégnante dans certaines sciences aujourd'hui : "C'est dans l'épreuve que je fais d'un corps explorateur voué aux choses et au monde, d'un sensible qui m'investit jusqu'au plus individuel de moi-même et m'attire aussitôt de la qualité à l'espace, de l'espace à la chose et de la chose à l'horizon des choses, c'est-à-dire à un monde déjà là, que se noue ma relation avec l'être." -
"Ce livre fait suite aux Dix-huit leçons sur la société industrielle et à La lutte de classes. Il traite de deux régimes typiques de la civilisation moderne, l'un que j'appelle constitutionnel-pluraliste et l'autre que je caractérise par la prétention d'un parti au monopole de l'activité politique.
La comparaison entre les régimes politiques, à la différence des comparaisons entre les économies, met surtout en lumière des différences. Les régimes apparaissent comme des solutions opposées à des problèmes semblables.
L'année 1957-1958, celle durant laquelle le cours fut professé, fut celle de la fin de la IVe République et du retour au pouvoir du général de Gaulle. Une préface écrite en 1965, équilibre le chapitre consacré à la République morte par une analyse critique de la République gaulliste."
Raymond Aron. -
La crise du monde moderne
René Guénon
- Gallimard
- Tradition, nouvelle série
- 29 Juin 2017
- 9782072736926
"Un des caractères particuliers du monde moderne, c'est la scission qu'on y remarque entre l'Orient et l'Occident. Il peut y avoir une sorte d'équivalence entre des civilisations de formes très différentes, dès lors qu'elles reposent toutes sur les mêmes principes fondamentaux, dont elles représentent seulement des applications conditionnées par des circonstances variées. Tel est le cas de toutes les civilisations que nous pouvons appeler normales, ou encore traditionnelles ; il n'y a entre elles aucune opposition essentielle, et les divergences, s'il en existe, ne sont qu'extérieures et superficielles. Par contre, une civilisation qui ne reconnaît aucun principe supérieur, qui n'est même fondée en réalité que sur une négation des principes, est par là même dépourvue de tout moyen d'entente avec les autres, car cette entente, pour être vraiment profonde et efficace, ne peut s'établir que par en haut, c'est-à-dire précisément par ce qui manque à cette civilisation anormale et déviée. Dans l'état présent du monde, nous avons donc, d'un côté, toutes les civilisations qui sont demeurées fidèles à l'esprit traditionnel, et qui sont les civilisations orientales, et, de l'autre, une civilisation proprement antitraditionnelle, qui est la civilisation occidentale moderne."
René Guénon. -
Qu'est-ce que la philosophie indienne ?
Vincent Eltschinger, Isabelle Ratie
- Gallimard
- Folio essais
- 19 Janvier 2023
- 9782072711756
La philosophie, comme on sait ou croit savoir, parle grec, allemand et sans doute français, mais certainement pas babylonien ou sanskrit. L'Inde a été exclue du champ de la philosophie ' proprement dite ' vers la fin du XVIIIe siècle. Depuis, des générations d'indianistes ont plaidé en vain pour la révision d'un procès mal instruit. Il est temps de congédier les clichés qu'entretient l'Occident sur l'Inde ancienne, censément trop absorbée par sa religiosité pour donner prise au concept. Vincent Eltschinger et Isabelle Ratié ont choisi de diriger l'attention moins sur les traditions doctrinales que sur un choix de problèmes montrant les philosophes et les écoles à l'oeuvre, défendant leurs positions sur un mode polémique. L'accent placé sur ces points de cristallisation du débat indien - soi, autrui, monde et conscience, perception et vérité, rationalité et religion, langage, Dieu, etc. - constitue l'originalité de l'ouvrage, qui donne à comprendre la philosophie indienne pour ce qu'elle est, dans son contexte, et non par comparaison, ce qui la priverait de son sens et de sa force.
-
"Toute idée devrait être neutre ; mais l'homme l'anime, y projette ses flammes et ses démences : le passage de la logique à l'épilepsie est consommée... Ainsi naissent les mythologies, les doctrines, et les farces sanglantes. Point d'intolérance ou de prosélytisme qui ne révèle le fond bestial de l'enthousiasme.
Ce qu'il faut détruire dans l'homme, c'est sa propension à croire, son appétit de puissance, sa faculté monstrueuse d'espérer, sa hantise d'un dieu."
Cioran -
L'homme et le sacré, paru à la veille de la guerre, est un des ouvrages pionniers de nouvelle sociologie française. Roger Caillois ne rompt cependant pas avec la tradition : il part des conquêtes de l'école durkheimienne, et en particulier des recherches de Marcel Mauss, qu'il confronte avec celles des maîtres de la sociologie allemande, anglaise et américaine.
L'homme et le sacré est à la fois un livre de sociologie et de philosophie, une étude originale et hautement personnelle sur le sacré "qui donne la vie et la ravit, est la source d'où elle coule, l'estuaire où elle se perd". -
OEuvre maîtresse de la seconde manière wittgensteinienne, les Recherches philosophiques ont été à maintes reprises remises sur le métier par leur auteur. Elles ne sont cependant pas un texte achevé, mais un work in progress. Publiées en 1953 après la mort de Wittgenstein par deux de ses exécuteurs littéraires et saluées dès leur parution par des comptes rendus substantiels et élogieux, dont l'un présente Wittgenstein comme 'le premier philosophe de l'époque', les Recherches se sont très vite imposées non seulement comme un texte de référence en philosophie du langage, mais aussi comme un classique de la philosophie contemporaine. Elles ont eu une influence considérable sur divers courants dominants de la philosophie de la fin du XXe siècle, et elles sont à la source de bien des débats actuels qui débordent très largement le cadre de la philosophie académique.
À vrai dire, elles occupent une position singulière dans le champ contemporain qui tient notamment à leur remise en question des sublimités métaphysiques et des réductionnismes en tout genre et à leur refus catégorique de toute théorie de la signication et de toute quête d'une terre ferme de l'origine - refus qui les tient à l'écart, d'une part des ambitions de la tradition analytique, et d'autre part des présupposés de la tradition continentale, et qui les conduit sur la voie d'une analytique de la quotidienneté dont on n'a certainement pas fini de mesure la fécondité. -
"L'avion s'était posé. Daladier sortit péniblement de la carlingue et mit le pied sur l'échelle ; il était blême. Il y eut une clameur énorme et les gens se mirent à courir, crevant le cordon de police, emportant les barrières... Ils criaient "Vive la France ! Vive l'Angleterre ! Vive la Paix !", ils portaient des drapeaux et des bouquets. Daladier s'était arrêté sur le premier échelon : il les regardait avec stupeur. Il se tourna vers Léger et dit entre ses dents :
- Les cons !" -
Le règne de l'homme : genèse et échec du projet moderne
Rémi Brague
- Gallimard
- Folio essais
- 9 Février 2023
- 9782073010018
C'est à l'époque moderne que l'homme en est arrivé à se dire le créateur de sa propre humanité. Autrefois, il se croyait l'oeuvre de la nature ou l'enfant de Dieu. Désormais, il entend conquérir l'une et s'affranchir de l'autre. Il veut rompre avec le passé, se donner souverainement sa loi, définir ce qui doit être, dominer. Telle est l'ambition vertigineuse que raconte cet ouvrage.
Descartes rêvait d'un homme maître et possesseur de la nature ; deux siècles plus tard, Nietzsche allait décréter que l'homme doit être dépassé, n'étant plus à la hauteur des attentes que lui-même avait définies. Rémi Brague interroge les origines de ce projet et retrouve les traits qui vont progressivement dessiner la nouvelle humanité dont nous sommes les héritiers. Pour reconstituer la longue trajectoire de l'homme moderne, ce livre convoque aussi bien la philosophie que la littérature ; il y découvre les espoirs et l'enthousiasme qui portent ses débuts, mais aussi, à l'épreuve de cette expérience impossible, l'angoisse et les désillusions qui en marquent l'échec.
Le Règne de l'homme clôt une longue enquête sur la manière dont l'homme, de l'Antiquité à nos jours, a pensé successivement son rapport d'abord au monde, ensuite à Dieu et, pour finir, à soi-même. -
Trente ans après les Lettres philosophiques, Voltaire parachève son itinéraire de pensée et d'action avec un Dictionnaire philosophique portatif (tel est le titre de la première édition, en 1764). Foin des lourdes encyclopédies ! Portatif, un dictionnaire doit l'être, comme une arme prête à tirer à l'instant sur les cibles aléatoires qu'offre l'ordre alphabétique. Mais l'ennemi porte un seul nom, l''infâme', qu'il s'agit d''écraser' sous toutes ses formes, 'la superstition, le fanatisme, l'extravagance et la tyrannie'. Il s'appelle aussi, plus concrètement et historiquement, la Bible, avec les religions qui s'en réclament, le grand Livre auquel Voltaire ose opposer son 'abominable petit dictionnaire', 'oeuvre de Belzébuth', comme il se plaît à le définir. Ironie, dérision, injure, indignation, sourire, gravité, le patriarche de Ferney déploie toutes les ressources de son talent pour prêcher fanatiquement la tolérance, déraisonnablement la raison. Un texte irrémédiablement daté ? Plus que jamais actuel ? Injuste, odieux ? Généreux, libérateur ? Vivant, en tout cas.
-
Être soi-même ; une autre histoire de la philosophie
Claude Romano
- Gallimard
- Folio essais
- 3 Janvier 2019
- 9782072819223
L'Odyssée, le plus ancien poème de la culture occidentale, met en scène la métamorphose qui change Ulysse en lui-même sous les yeux dessillés de ceux qui échouaient jusque-là à le reconnaître.
Ulysse constitue ainsi la première d'une longue série de figures donnant corps à cette opération mystérieuse : le passage de l'existence en régime d'obscurité à l'existence "en personne", dans une forme de vérité. Que signifie un tel passage ? Comment s'opère cette transition ? Quelles formes cette idée d'existence en personne a-t-elle pu revêtir dans la pensée occidentale ?
Claude Romano interroge les sources, y compris lointaines, de cette idée d'"existence en vérité" telle qu'elle sous-tend notamment l'idéal moderne d'authenticité personnelle, en retraçant la généalogie de cet idéal et en exhumant certaines de ses formes plus anciennes. Chemin faisant, le lecteur découvre différents types et régimes de discours, philosophique, mais aussi théologique, spirituel, rhétorique, littéraire, esthétique. Romano esquisse ainsi une histoire de la philosophie occidentale aux contours bien différents de ceux qu'on lui prête généralement : à l'écart des grandes métaphysiques du moi et de la subjectivité, il emprunte les chemins de traverse d'une enquête sur les formes de vie et les modes d'existence. -
Qu'est-ce donc qu'être humain aujourd'hui ?
La question, très actuelle, est celle de l'éthique et de ses conditions de possibilité. À quels gestes reconnaît-on une personne qui se comporte de façon humaine, simplement et solidement humaine ? Si "se montrer" humain, c'est offrir cette "épiphanie du visage" que Levinas affirmait être la condition de tout lien et de toute justice, peut-on encore "être humain" quand on doit être masqué ? Voulons-nous d'une humanité démissionnaire et spectatrice d'elle-même, confiant à des algorithmes le soin de maîtriser les aléas de l'existence ? Réussirons-nous à mettre fin à la hiérarchisation sexuée de notre monde commun afin que les femmes deviennent pour de bon les égales des hommes ?
Telles sont quelques-unes des questions essentielles auxquelles tentent de répondre les auteurs de ce livre.
Textes de Dominique Avon, Étienne Balibar, Étienne Bimbenet, Alain Caillé, Patricia Eichel-Lojkine, Camille Froidevaux-Metterie, Donatien Grau, Sandra Laugier, Andrea Marcolongo, Élisabeth Roudinesco, Marie-Françoise Sales.