Le jour où la belle Junie emménage avec Britannicus, le royaume d'Agrippine est menacé. Néron n'a plus qu'une idée en tête, posséder Junie, quitte à mettre Octavie dehors. L'ordre établi s'écroule et tous se retrouvent dans une course à qui mettra le feu à la maison familiale.
Si les personnages sont empruntés à Racine, c'est dans un royaume de vinyle et de mélamine que se déploie cette histoire de trahisons, de sacrifices, de désirs, de flammes et de corps ensevelis sous la neige et les cendres, mais aussi d'amours infinis.
Entretiens avec Peter Brook menés par Pierre MacDuff, directeur général de la compagnie de théâtre Les Deux Mondes.
La littérature fantastique, ce genre évanescent, joue sur les terreurs ancestrales de l'être humain, franchit à loisir la frontière des tabous, principalement ceux qui ont trait à la mort. Comment expliquer alors que l'on y rencontre autant de personnages se moquant de la tragédie inexplicable qui les menace ? Pourquoi rire quand la peur point et quand la mort veille ? Georges Desmeules s'est penché sur la question, en partant du constat que des mécanismes communs à l'humour et au fantastique méritent d'être étudiés sous le signe de leur double allégeance. Une fois la thèse en place - pour laquelle l'auteur a eu recours à des théoriciens québécois, français, américains et britanniques -, il se penche sur le cas spécifique des Aymé, Brossard, Buzzati, Carrier, Cortázar, James, Kafka, Maupassant, Poe, Thériault et Tremblay.
Climat de gouaille et de plomb, car le naufrage menace. D'abord ce «glissement de terrain» qui vous arrache un homme, une maison, un quartier sans crier gare. Ici ou là, la terre s'effondre, signe visible de la gangrène qui travaille et pourrit tout un pays. En surface, les vivants vivent la déroute au jour le jour. Ça les mine, ça les anime aussi. Pas d'autre morale, pas d'autre lutte, pas d'autre foi, pas d'autre parole, quand ça vous crie au ventre, que d'échapper à l'étranglement. On veut partir, quitte à prendre le risque de voir mourir en soi la mémoire de ses origines. Les moins chanceux magouillent pour trouver une faille dans le système et pour mettre les bouts. Les vieux restent au pays comme les déchets d'une société en perdition. Une maladie qui n'épargne personne. La peste que cet appel vers tous les possibles. Et pendant ce temps, la terre, la terre jamais rassasiée, la terre haïe, que nul n'habite plus sinon contre son gré, avale ses enfants...
Recueil de nouvelles présentant des personnages contemporains aux prises avec les problèmes inhérents à la condition humaine : la détresse d'une femme au retour de l'hôpital, l'infidélité suspectée et redoutée, la difficulté du rompre la solitude, etc. Chaque nouvelle devient une ponction, une plongée, une saisie.
Textes de trois pièces de théâtre de Lomer Mercier Gouin accompagnés d'un dossier bibliographique et d'une présentation de André G. Bourassa, éminent spécialiste du théâtre québécois et des écrivains automatistes.
Chacune des onze nouvelles de ce recueil dit et redit l'étonnement de vivre, depuis l'enfance avide jusqu'à la vigilante vieillesse. Un livre bouleversant de tendresse, où chaque personnage nous soumet une fidèle et fraternelle énigme.
Médilhault, XXIe siècle. La Troisième Guerre Mondiale a bel et bien eu lieu, mais pas celle qu'on attendait. Les riches l'ont gagnée, la classe moyenne a été annihilée en raison du ferment de contestation qu'elle porte en elle. Dans cet univers sur écran, l'écriture, comme acte individuel et privé, n'existe plus, personne ou presque n'en connaissant la pratique manuelle. Nous entrons dans un nouveau Moyen Âge. Connue par son oeuvre de dramaturge, Anne Legault imagine les rites de ce monde neuf et ancien.
S'il est parfois possible de s'aventurer sans trop de risque de l'autre côté du décor, la traversée des apparences semble plus périlleuse, à en juger par le sort réservé aux personnages de ces dix-sept nouvelles. Que l'écran s'apparente aux rituels a priori les plus anodins, à la surface projective d'une petite annonce, à la déclinaison maniaque d'un savoir fossilisé ; qu'il prenne la forme d'une fenêtre d'ordinateur ou celle d'une fenêtre sur rue : on risque, à le franchir, de faire imploser les règles du quotidien, voire les fondations d'une vie. De faire émerger la conscience... alors qu'il serait si confortable de rester dans l'illusion. Comme « en passant », et mine de rien, Jean-Paul Beaumier nous convie à une réflexion sur la nature souvent trompeuse des apparences.
Les nouvelles de cette anthologie témoignent de la richesse et de la vitalité de la littérature grecque contemporaine. Après maintes crises politiques, sociales et économiques, la modernisation de la Grèce s'est accélérée depuis 1975. Nourris d'influences littéraires européennes et nord-américaines, marqués par le réalisme magique latino-américain, les écrivains grecs dépeignent la réalité au plus près, mais tâchent de préserver leur fascination pour l'enfance, la beauté et le rêve, contrepoids nécessaire à la violence et à la mort. Un courant prédomine, celui de la parodie et de la comédie noire dans lesquelles le héros grec est dépouillé de toute idéalisation sous les coups répétés de l'ironie et du sarcasme. Dans une veine néoréaliste, les auteurs excellent à scruter la classe moyenne et la petite bourgeoisie, appréhendées dans l'intimité du quotidien sous une diversité de styles et de formes caractéristiques du postmoderne. On ira de surprises en découvertes avec cette mosaïque de trente-quatre morceaux choisis inédits en français.
Un coffret déniché chez un antiquaire, des figurines, il n'en faut pas davantage pour lancer Arnaud Bermane dans le récit de ceux qui forment sa famille. Papa, maman : un propriétaire terrien qui a épousé une jeune fille de belle souche. Un frère rebelle, un grand-père âpre au gain. Des cousins : un exemplaire saint-cyrien et un fantasque explorateur. La table est mise pour que défilent de larges pans de l'histoire de France, la France des petites gens, celle des illusions, mais aussi celle de la guerre - des guerres. Les temps s'apaisent, l'appel de la route devient plus fort que tout, Arnaud s'y engage, dans une solitude à la fois désirée et rebutante, noircissant des carnets dans l'espoir que sa fille, jamais connue, les découvre.
À travers un jeu de situations familières, ce recueil de nouvelles donne vie à des hommes et des femmes aux prises avec une libido parfois... dérangeante. Qu'elle soit nourrie par un sentiment amoureux ou purement sensuelle, elle se glisse entre le couple, chatouille la célibataire et tente l'indécis ; en s'introduisant dans la sphère de la séduction, « Le pharmacien » fait du lecteur un voyeur de l'amour vrai, celui qui blesse et fait grandir. Avec une exquise sensibilité l'auteure dresse un portrait réaliste des relations amoureuses du XXIe siècle en mettant en scène nos ami(e)s, nos voisin(e)s, nos collègues...
Quatre personnages, liés par une essentielle « part manquante », doivent affronter leur destinée à la suite du décès d'un homme qui a joué pour eux un rôle important. Sa mort coïncide avec l'irruption, dans les réseaux croisés de leurs existences, d'une multitude de salamandres. Symboles de l'amiante qui résiste au feu, celles-ci incitent les protagonistes à descendre tour à tour dans la mine qui se ramifie sous la ville, afin d'y explorer leur labyrinthe intérieur et d'y affronter leurs démons. De cette expérience cathartique, chacun sortira fortifié et apaisé.
Dans son précédent roman, L'imaginaire de l'eau, Danielle Dussault suivait une veine onirique. Construit à partir de divers points de vue complémentaires, le roman Salamandres, qui se déroule à Thetford-les-Mines, aborde plutôt les registres du mythe et du fantasme. Il touche ce qui fait le fondement de nos vies : la filiation et l'identité, la peur et le besoin d'être aimé, la quête du sens de toute existence.
Inspiré par l'oeuvre du peintre Edward Hopper, ce recueil de nouvelles de Marie-Jeanne Méoule anime avec délicatesse quelques archétypes du rêve américain. Sans hâte, par petites touches sensibles, l'auteure s'emploie à nous rappeler que derrière l'image palpite la vie.
Un traducteur, enfermé chez lui, en proie au doute et à la méfiance pour tous ceux qui approchent sa maison (du livreur jusqu'à sa propre femme), voudrait devenir écrivain : ainsi il pourrait inventer sa propre vie. Il ne se rend pas compte, se croyant dépossédé de toute imagination, qu'il est en train justement de s'inventer une vie sur le mode de l'énigme policière.
« Substituer l'imaginaire exaltant au réel morne ou intolérable », l'expérience est connue des lecteurs quand ils cèdent à leur plaisir familier. Or la lecture, avance Roland Bourneuf, nous réconcilie tout autant avec la « vie palpable », accomplissant ce prodige, par l'aventure d'un autre, de rapprocher l'être de lui-même ou, plus précisément, de ce qui l'attend en lui-même.
À la succession de commentaires sur les auteurs et les livres qu'il a aimés, de son enfance à aujourd'hui, l'auteur a préféré un parcours en chassé-croisé, tel livre appelant tel épisode de sa vie, la lecture se présentant comme exercice d'intimité : de même qu'on apprend à lire, avec ou sans théories, on doit apprendre à être soi, on le devient. Ainsi referme-t-on Pierres de touche avec le sentiment d'avoir eu une bibliothèque comme demeure. Une immense bibliothèque.
Comment les nouvelliers du Québec s'approprient-ils l'espace réel pour le transformer en espace textuel ? Christiane Lahaie choisit la géocritique littéraire et la recherche-création pour découvrir leurs schèmes inconscients et leurs stratégies délibérées. Le corpus à l'étude est formé d'oeuvres publiées et de quinze inédits écrits à partir d'une contrainte spatiale donnée : un pont, une chambre d'enfance, une clairière, l'Atlantide et un pénitencier. Témoins de l'éclatement des sociétés postmodernes, les nouvelliers délégueraient à leurs personnages une occupation aléatoire et mystérieuse du territoire québécois, fragment du vaste espace nord-américain. Ainsi, démontre l'essayiste, le genre bref favorise l'évocation de lieux imaginaires, peu référentiels et hautement subjectifs. En préface, le spécialiste européen de la géocritique Bertrand Westphal insiste sur l'aspect innovant du travail de Christiane Lahaie, car elle « explore des pistes vierges dans un domaine de recherche en plein essor ».
Pièce de théâtre. Isolé derrière une cloison de verre, un homme subit les interrogatoires de trois visiteurs : une femme, une fillette et un prétendu spécialiste des troubles du comportement. Tous cherchent à briser son silence, le poussent dans ses derniers retranchements pour lui arracher des aveux, le forcer à se justifier. Mais de quoi au juste ? Entre pitié et cruauté se succèdent dialogues de sourds, divagations, cauchemars et hallucinations. Quelle vérité peut-il en résulter ?
Inspiré par les écrits sur le progrès de Ronald Wright et ceux de la militante altermondialiste Naomi Klein, Philippe Ducros se penche sur le destin d'un homme indigne et indigné, un concentré d'humanité en marge de la course effrénée au bonheur fabriqué par l'idéologie néolibérale.
Caroline, frappée par le cancer, est brutalement jetée à la rue par Louise-Sophie Bernard, la femme avec qui elle vivait et dont elle a élevé les deux filles, laissant celles-ci sans protection. L'aînée s'appelle Sarah : Sarah Bernard. Elle ne s'entend ni avec sa mère (une mère qui manie la parole comme une arme blanche) ni avec son nom. Quant à sa soeur Rosine, elle dessine des mangas. Rien pour améliorer les relations avec la mère, convaincue qu'il s'agit d'un art vulgaire. Pourtant, dans les cases et les phylactères, leur histoire se joue, hachurée, vibrante, comme un silence tonitruant.
Une histoire à l'emporte-pièce, des dialogues tout en vivacité : le nouveau roman d'Anne Legault va à l'essentiel.
L'auteur fait une synthèse historique de la chanson tenant compte aussi bien de la transmission orale que des oeuvres diffusées par les journaux, les recueils de chansons et les enregistrements sonores. Il aborde aussi les cousinages franco-québécois, perceptibles dès le milieu du XIXe siècle dans les recueils de chanson, et au début du XXe siècle dans l'enregistrement sonore, avant d'être l'objet de l'attention générale dans la génération des Roche-Aznavour, Léveillée, Lévesque et Leclerc. Après la grande époque des chansonniers, il en arrive à la chanson d'aujourd'hui, héritière du vivier étatsunien et figure de proue de notre culture.
L'évolution de la production littéraire québécoise à partir des années 1960 est ici mis en parallèle avec l'ouverture du Québec à la modernité.
Les trous de mémoire, comme le silence, peuvent être tonitruants. De quoi veut-on se protéger en refusant de se souvenir ? La douleur appelle l'amnésie, mais le vide n'est-il pas lui-même source de douleur ? Sous peine de sombrer définitivement, les personnages de ce recueil de nouvelles doivent ramener à la surface ce qui avait été célé, enfoui, sous l'eau, la vase, le silence, la souffrance. La parole est salvatrice. Les mots : comme des perches tendues à des noyés.
Dans cette suite de textes narratifs les personnages s'entrecroisent, certains d'entre eux étant connus pour avoir figuré dans la part de l'oeuvre de romancier et nouvelliste que Pierre Yergeau consacre à la « ville-île » figée au milieu du Saint-Laurent. La ville est envahie par de gigantesques couleuvres qui ondoient par les rues, au grand plaisir de la population et des touristes accourus de partout pour contempler le phénomène.
Personne n'a oublié Claire Martin, la romancière et mémorialiste célébrée de l'époque de « Doux-amer » et « Dans un
gant de fer ». En publiant « Toute la vie », qui regroupe des nouvelles et des souvenirs, Claire Martin renoue avec les textes brefs, genre qui l'avait lancée, avec combien d'éclat, dans la carrière littéraire (« Avec ou sans amour »r, 1958, prix du Cercle du livre de France).
Tout, la vigueur de la phrase, l'humour en coin, les demi-teintes avec lesquelles elle dessine personnages et situations, tout nous rappelle l'une des plus fortes personnalités de notre littérature. Surtout, des moments de sérénité, des instants de
délicatesse, des bonheurs d'expression flottent au-dessus du texte. Une vie est ainsi donnée à traverser par le biais des
lectures qu'une femme se remémore comme on pense aux amis les plus chers. Les mots, les phrases font les êtres, la
lecture concourt à la vie, toute la vie.