À la fois biographie, enquête, témoignage et autobiographie, Un livre sur Mélanie Cabay est une réflexion sur la mémoire et la violence faite aux femmes. Avec humilité et tendresse, François Blais revient sur les années qui se sont écoulées depuis la disparition de Mélanie Cabay, le 22 juin 1994. La nostalgie est ici teintée de douleur, voire de culpabilité. Ces jeunes femmes qui disparaissent, ces Mélanie, Kristina, Karine ou Rosiana, François Blais les ramène à notre mémoire, leur redonne vie quelques instants, le temps de se dire qu'elles auraient pu être ses sœurs, ses copines, ses professeures.
Un homme, le Pasteur, est l'auteur de crimes en série qui nous sont racontés par un écrivain. À sa poursuite, Chester Head, détective privé, parti en quête du coupable ou de ce qu'il appelle la Vérité, sorte de Jugement dernier qui porte sur la responsabilité de chacun devant le Mal. Une femme, Blandine Berger, amante tour à tour de Head et du Narrateur, partie elle-même en quête du Pasteur, relie les trois hommes dans un ballet enivrant, étourdissant, envoûtant. Au centre de toutes ces affaires apparaît Lorraine Greenwood, jeune modèle de la sculptrice Sylvia Shaw Judson dans la création de la Bird Girl, statue qui a longtemps trôné dans le cimetière Bonaventure de Savannah, à laquelle on attribue toutes sortes de pouvoirs, bénéfiques ou maléfiques, dont celui d'inspirer l'idée de meurtre ou de sacrifice aux déréglés de la vieille ville.
Le fabuleux roman à clés de Claude La Charité s'ouvre alors que la maison de Charles Amand, alchimiste et paysan, brûle. La découverte du cadavre du malheureux propriétaire dans les décombres encore fumants motive une enquête, confiée à M. T. L. B*** .
Dans cette passionnante « suite » au célèbre roman de Philippe Aubert de Gaspé fils, «L'influence d'un livre», le lecteur est convié à un voyage dans le temps, dans un Québec où vivent sorcières et loups-garous, et où les étudiants en médecine de Québec prêtent main-forte à un homme déterminé à aller au bout de son enquête. Solidement ancré sur le territoire québécois, ce roman nous rappelle avec enthousiasme que la littérature canadienne-française du XIXe siècle savait être fantastique et étonnante, et nous entraîne dans une exploration ludique des possibilités qu'elle ouvre pour une relecture contemporaine.
Tess et Jude sont passés maîtres dans l'art du voyage virtuel. Un jour, l'idée de faire des Jack Kerouac d'eux-mêmes s'impose. Tess travaille au Subway, Jude est prestataire de l'aide sociale ; ils conviennent que rédiger le récit de leur expédition est l'unique moyen de la financer. Tess s'abreuve aux enseignements d'un gourou des lettres et tire les ficelles auprès d'un amoureux transi, auteur de romans abscons, afin d'obtenir une subvention du gouvernement. Le duo quittera-t-il enfin Grand-Mère à bord de sa Monte Carlo 2003 jaune pour sillonner les routes jusqu'à Bird-in-Hand, en Pennsylvanie ?
En fouillant dans une boîte de livres à vendre dans un commerce caritatif, le narrateur du nouveau roman de François Blais tombe sur un manuscrit qui pique sa curiosité : un fragment d'un journal intime. En le feuilletant, il tombe sous le charme d'une écriture vive, d'un ton juste assez caustique et d'un humour légèrement noir. Soudainement convaincu que l'auteure, une certaine S***, a fait en sorte de laisser des traces écrites pour qu'un éventuel lecteur la retrouve, il se met à sa recherche.
Au centre commercial Les Rivières, deux jours avant l'Halloween, Clémentine Lacombe, élève de deuxième année de la classe de madame Marie-France, est kidnappée. Invisible, le narrateur hante les pensées des témoins, parents, clients et employés, inaptes à empêcher cet enlèvement. Caché dans l'angle mort de l'histoire, le prédateur sexuel semble insaisissable.
Un romancier respecté - que personne ne lit - rend compte des phénomènes étranges dont il a été témoin lors d'une résidence d'écriture en rase campagne mauricienne. Illusions d'optique, hallucinations, manifestations paranormales ? Tiraillé, il raisonne, suit son instinct, résiste et cherche des explications. La peur s'insinue, irrationnelle et morbide. Il lutte, hanté par une inimaginable complicité de meurtre.
Fidèles aux canons du fantastique et de l'horreur, les histoires de François Blais ne sacrifient pas pour autant le point de vue lucide sur des faits de société troublants. Se pourrait-il que la folle du logis ait plus de flair que l'enquêteur le plus perspicace ?
Les Rivières et Les montagnes : deux fantasmes d'écrivain et le pari ouvert de la fiction que, tôt ou tard, le criminel va se peinturer dans un coin.
Dans ce troublant roman où alternent les voix de Jean-Loup et d'Hortense, les auteurs, Hans-Jürgen Greif et Guy Boivin, nous convient à la rencontre d'un couple en apparence banal. À partir de leur rencontre à Québec dans les années 1970, le lecteur est témoin de la débâcle d'une cellule familiale menée de main de fer par une Hortense manipulatrice, colérique et diabolique. Jean-Loup, un immigré français solitaire, coupé de sa famille et de ses racines, peine à trouver les ressources matérielles et émotives qui lui auraient permis de résister à ce mur de volonté et de hargne. Campé dans l'univers de l'histoire de l'art et de la bibliothéconomie, Le pélican et le labyrinthe ne prétend pas fournir de réponses aux grands maux des couples d'aujourd'hui. Il met plutôt en lumière les effets dévastateurs de certains traits humains.
Le pélican et le labyrinthe est la troisième collaboration de Hans-Jürgen Greif et Guy Boivin (La bonbonnière, 2007 ; Le temps figé, 2012).
Un narrateur s'adresse à l'enfant qu'il a été pour lui rappeler un passé douloureux et violent. Si le sujet est difficile, Alain Raimbault sait trouver les mots pour l'aborder avec franchise, voire humour. De la France au Québec, d'une maison de passe parisienne à la campagne, l'histoire d'un jeune garçon devenu homme se dévoile dans un rythme rapide et vif, sans complaisance.
Une jeune femme revisite son enfance auprès d'une mère fragile. Les souvenirs et le présent s'entremêlent dans une écriture simple, directe et musicale. Nicole Richard aborde des sujets difficiles tels que la maternité, la pression sociale, la maladie mentale et la féminité avec courage et doigté.
Clara et Romain forment un couple improbable : il est actuaire, toujours tiré à quatre épingles, rigoureux, solitaire ; elle est brouillon, atteinte de schizophrénie, sans emploi. C'est pourtant leur rencontre qui marque le point de départ de ce roman à plusieurs voix : celle de Romain, et celles de Clara, qui souffre d'épisodes de dissociation. Quand la vie la bouscule, quand les chocs sont trop difficiles à encaisser, Clara s'efface au profit d'autres personnalités, pendant quelques jours ou quelques semaines. Elle se réveille souvent à l'hôpital, incapable de se souvenir de ses faits et gestes, entièrement dépendante d'une famille et d'un système souvent infantilisants.
Si Romain souhaite de tout coeur fonder une famille, Clara s'y refuse. Quand elle comprend qu'elle est enceinte malgré les précautions prises, elle panique, s'emballe, se rebiffe et fuit. Au fil des pages se développe un jeu de manipulation et de pouvoir, dans lequel le corps de la jeune femme lui est en quelque sorte confisqué, son identité bafouée, au profit de cet enfant dont elle ne veut pas. Entre la folie de Clara, son honnêteté et sa vulnérabilité, et le désespoir de Romain, qui s'accroche à l'idée de la famille comme à une bouée de sauvetage, Marie-Ève Muller dépeint des personnages à vif, chacun pris dans ses contradictions et ses chimères, sans tomber dans un manichéisme primaire.
Dans ce roman magnifique, Marielle Giguère suit l'histoire d'une famille en apparence banale : grands-parents, parents, enfants. Leur tissu est pourtant troué de tragédies, certaines plus fortes que d'autres. Le départ de la grand-mère, partie à l'aventure, marque le début de cette histoire teintée de poésie, de résilience et d'amour. Celle qui ne devait partir que quelques jours envoie au fil des mois des cartes postales à son mari, des signes de vie qui ne portent que quelques mots : Deux semaines encore. Je t'aime.
C'est principalement par le biais d'Arnaud, le petit-fils de la voyageuse, que se dévoile le récit. Jeune homme timide, proche de son grand-père avec qui il partage l'amour des vieilles choses, Arnaud s'émancipe comme il le peut de cette famille qu'il trouve lourde à porter. Entre Montréal et Sainte-Croix-de-Lotbinière, où la famille a une maison au bord de l'eau, entre le Marché aux puces Saint-Michel et la splendeur du fleuve, d'un passé cabossé à un avenir incertain, se dessine le récit d'une existence à fleur de peau.
Avec beaucoup de doigté et de légèreté, Marielle Giguère joue avec les codes du genre romanesque ; insérées dans le récit, des parties qui ressemblent à de courtes scènes théâtrales mettent en place les décors, campent les personnages et créent une ambiance qui happe le lecteur.
C'est suite à un séminaire en création littéraire sur l'écriture, la suspicion et la fiction que Cassie Bérard, professeure en études littéraires, a eu envie de partager les textes des étudiant.e.s à la maîtrise et au doctorat qui y ont participé. Les fictions qui ont été écrites dans ce contexte ont donné lieu à un imaginaire propre, celui de l'inquiétude. La qualité des voix qui se révèlent ici, dans certains cas pour une première publication, démontre que la chimie qui a opéré au cours de ce séminaire était véritablement hors normes, et laisse présager l'émergence de nouveaux talents à suivre de près.
Avec des textes de :
Cassie Bérard (directrice), Jennyfer Chapdelaine, Marie-Ève Fortin-Laferrière, Alizée Goulet, Marie-Pier Lafontaine, Jean-Philippe Lamarche, Catherine Anne Laranjo, Julie Roy, Joëlle Turcotte et Élise Warren.
Dans ce recueil de quinze nouvelles, les lieux et les situations, aussi familiers soient-ils, basculent tranquillement vers l'étrange. Au fil des pages, on est happé par des récits rythmés qui mettent en scène un monde qui, l'air de rien, se désagrège.
Familles inquiétantes, amis aux vocations inusitées, enseignants et enseignantes naïfs, tous sont brillamment observés par un auteur que l'on devine amusé, voire un peu cynique.
Iris part en Colombie pour étayer ses recherches sur les conditions des travailleurs au début du vingtième siècle. Elle tombe en amour avec le pays et ses habitants. On marche avec elle dans les rues, on rend visite à ses amis, on découvre le pays et ses villes, son abondance, sa luxuriance, sa sensualité. Les odeurs et les couleurs sont généreuses, les sourires sont rayonnants et la vie intellectuelle est stimulante.
Mais toute cette beauté ne peut faire oublier la pauvreté, la violence, la corruption étatique qui permet, entre autres, le pillage des richesses naturelles par des sociétés étrangères. Iris constate que les conditions de travail des mineurs n'ont guère progressé depuis le début du siècle dernier. Découvrant que des minières de son pays sont responsables de graves dommages environnementaux et de violences auprès de la population, elle se sent trahie. Ébranlée, elle tente de retrouver son équilibre et comprends qu'elle ne pourra plus jamais fermer les yeux sur la surexploitation des ressources que ce soit en Colombie ou dans son Abitibi natale.
Dans ce roman écrit à la première personne, Nicole Richard donne de nouveau la parole à Eugénie, la narratrice de son précédent roman (L'étincelle 2018). Dans un va-et-vient entre le présent d'un voyage en Europe et une adolescence en banlieue de Montréal, La ligne brisée fait revivre avec un bel aplomb les affres de la puberté (les garçons, les amitiés, les choix de cours, les décisions d'avenir) dans un contexte familial encore ici très difficile. Eugénie vit avec sa mère Jeanne, mais trouve refuge et soutien chez un couple d'enseignants qui lui permettra de s'émanciper de cet univers ne lui offrant aucun horizon.
Le roman de Francine Minguez donne la parole à Daniela, une femme d'origine chilienne installée à Montréal depuis ses 28 ans. Avec l'âge, Daniela sent le besoin de revisiter son passé et, en grande amoureuse des mots, de le mettre par écrit. Elle se remémore sa vie au Chili, l'adaptation au Québec, l'engagement politique, la passion, la douleur, l'amitié et surtout son grand amour tourmenté avec le père de son fils. Brisée par une agression et profondément ébranlée par la perte de ses illusions, la narratrice tisse des liens émouvants entre un passé encore brûlant, les racines au Chili, et un présent que l'on comprend plus apaisé.
Morgane, la narratrice du percutant premier roman d'Isabelle Labattaglia, passe de longues heures au gym, où elle lutte avec violence contre les calories ingérées. Face au miroir dans lequel se reflète son image, honnie, ainsi que les reflets des autres clients, elle revit les étapes de son enfance et de son adolescence qui ont déterminé son rapport au corps et aux apparences.
C'est en usant d'une langue et d'un rythme âpres qu'Isabelle Labattaglia nous ouvre une fenêtre sur la vie intérieure d'une narratrice complexe. Complétement immergée dans une culture faite de cinéma grand public, de téléséries populaires et d'objets de consommation cultes, Morgane enchevêtre ses souvenirs de références culturelles, laissant émerger au fil des pages une réflexion profonde et peu banale sur le corps des femmes, la pression sociale liée aux apparences ainsi que sur la filiation mère-fille.
Après avoir publié plusieurs récits, romans et nouvelles, Danielle Dussault s'engage dans un chemin de traverse qui prend la forme d'un carnet à la tonalité poétique. Elle y restitue en mots l'univers ondoyant d'un quartier méconnu et cosmopolite, le Xe arrondissement de Paris, où elle a séjourné dans le cadre d'une résidence d'écriture effectuée aux Récollets. Sa plume généreuse et ses observations nous entraînent à sa suite à la rencontre de l'Autre, dans un voyage où odeurs et saveurs se mêlent aux textures des immeubles et aux tissus chatoyants. Loin des attraits touristiques ou des grandes places, Danielle Dussault erre dans une ville grouillante de vie, avec pour seul désir celui de s'y perdre pour mieux se retrouver.
Quatorze nouvelles qui réunissent de jeunes personnages qui fréquentent un collège privé, le cadre à l'intérieur duquel les textes se font écho. Ballottés comme des bulles d'air dans l'eau trouble de l'adolescence, Nicolas, Moéma, Marc-Aurèle, Alex et les autres font l'apprentissage de la vie.
Dans ce recueil de nouvelles, un bouquet de personnages en apparence quelconques parvient à nous faire ressentir le dégoût, la peur, la lassitude. Avec une écriture vive et un sens de la formule hors du commun, Alain Raimbault joue avec aisance dans les codes de l'horreur. S'inscrivant dans une tradition littéraire établie, il démontre sans contredit sa maîtrise de la langue, son sens de l'humour caustique, ainsi qu'un sens de l'observation particulièrement acéré. Avec Sans gravité, l'auteur nous rappelle sans cesse que la littérature est aussi affaire de violence et de douleur. Dans ces contes cruels, les innocents meurent souvent, les miracles n'existent pas et les guerres ne font pas de gagnants.
Lui, c'est Mitia, elle : Arsène. Ils vivent de l'air du temps, qui serait moins cher en Mauricie qu'à Québec. Aussi fuient-ils au petit matin leur logement du quartier Saint-Roch en ayant pris soin de ne pas régler le loyer et d'avoir, la veille, fait la tournée des grands ducs. Là-bas, au bord du lac où ils croient avoir trouvé refuge et paix, Arsène découvre qu'un enfant mystérieusement disparu hanterait leur nouveau domicile, ce que réfute évidemment Mitia, congénitalement sceptique.
Lire François Blais, c'est entrer dans un récit astucieux, plein de relances. C'est aussi se laisser emporter par une voix narrative débordante de vitalité, un peu narquoise par moments, grâce à ce qu'elle suggère de mauvaise foi et de malaise social derrière la désinvolture apparente des deux personnages centraux. On se sent totalement en Amérique, en littérature américaine.
Après avoir vécu deux fausses couches consécutives, Marielle Giguère a entamé une réflexion et un processus d'écriture qui ont culminé avec Ci-gît Margot, un roman dans lequel les expériences de l'autrice se mêlent à la fiction. Étonnée et ébranlée par l'absence presque totale de ce sujet dans la fiction québécoise, elle a pris le pari d'affronter les tabous, de nommer l'innommable et de plonger, mot après mot, page après page, au cœur de la vie, avec ses parts d'ombre et de lumière.
Si le sujet est dur, l'écriture de Marielle Giguère est claire et limpide. Sans détour et avec une plume alerte et assumée, elle nous entraîne dans une histoire bouleversante, en libérant une parole trop peu entendue, celle des femmes en colère, celle des mères qui font face aux violences médicales, celle des familles qui doivent subir et accompagner ces traumatismes.
Climat de gouaille et de plomb, car le naufrage menace. D'abord ce «glissement de terrain» qui vous arrache un homme, une maison, un quartier sans crier gare. Ici ou là, la terre s'effondre, signe visible de la gangrène qui travaille et pourrit tout un pays. En surface, les vivants vivent la déroute au jour le jour. Ça les mine, ça les anime aussi. Pas d'autre morale, pas d'autre lutte, pas d'autre foi, pas d'autre parole, quand ça vous crie au ventre, que d'échapper à l'étranglement. On veut partir, quitte à prendre le risque de voir mourir en soi la mémoire de ses origines. Les moins chanceux magouillent pour trouver une faille dans le système et pour mettre les bouts. Les vieux restent au pays comme les déchets d'une société en perdition. Une maladie qui n'épargne personne. La peste que cet appel vers tous les possibles. Et pendant ce temps, la terre, la terre jamais rassasiée, la terre haïe, que nul n'habite plus sinon contre son gré, avale ses enfants...
Recueil de nouvelles présentant des personnages contemporains aux prises avec les problèmes inhérents à la condition humaine : la détresse d'une femme au retour de l'hôpital, l'infidélité suspectée et redoutée, la difficulté du rompre la solitude, etc. Chaque nouvelle devient une ponction, une plongée, une saisie.