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Sciences humaines & sociales
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Dans ce livre à la fois original et rigoureux, Tristan Garcia entreprend de rendre lisible la condition brouillée de notre « nous » ou de nos « nous ». Ces affirmations de nous-mêmes paraissent désormais correspondre à différents plans identitaires, sur lesquels nous revendiquons successivement notre appartenance à une ethnie, à une communauté de croyance, à une classe sociale ou professionnelle, à une orientation sexuelle, à une génération, sans savoir comment nous représenter le « nous des nous », dont nous relevons tous en définitive.
En ayant recours à toutes sortes de documents qui nous renseignent sur ce que nous appelons « nous », pamphlets, manifestes, journaux, textes théoriques ou chansons, l'auteur donne à entendre les mille voix qui ont prétendu parler au nom de nous: « nous les jeunes », « nous noirs », « nous blancs », « nous juifs », « nous musulmans », « nous femmes », « nous prolétaires », « nous décolonisés », « nous communistes », « nous homosexuels », « nous animaux et humains »... Tristan Garcia se montre attentif à toutes les traditions, et suspend tout jugement moral sur les contenus politiques, pour s'intéresser à la constitution d'une subjectivité politique: la détermination d'un « nous », d'un « vous », d'un « eux », le tracé de lignes entre amis et ennemis, la formation de solidarités et le creusement de fossés entre les camps.
Désireux de comprendre ces phénomènes plutôt que de s'en réjouir ou de les déplorer, Nous est ainsi un premier essai de vision d'ensemble de la fragmentation et de la recomposition des identités collectives. Il examine les modèles qui se sont succédés, pour mieux tenter de rendre compte de cette déconstruction, avant de proposer de reconstruire une idée et une image de ce que nous appelons « nous », qui que nous soyons.
Le livre donne ainsi très concrètement à voir le « nous » comme une superposition de calques, de plans transparents de notre imaginaire, sur lesquels nous prétendons tous découper l'espace social et nous y situer. Démontrant que ces calques de l'identité collective ont perdu leur fond, en se trouvant désolidarisés d'une nature sous-jacente, ce livre cherche à nos identités d'autres contraintes, qu'il trouve dans une dynamique d'extension et de contraction, et dans l'histoire de la domination et de la contre-domination.
Ce qui en ressort est un modèle inédit, vivant, de ce que nous sommes, de « nous », en tant que forme souple, s'étendant et se repliant sans cesse suivant une logique qu'il révèle peu à peu, au fil d'un récit construit comme une enquête palpitante. C'est aussi une tentative radicale de trouver dans la « guerre de nous contre nous » une forme universelle de subjectivité qui nous tient toujours ensemble, au moment précis où elle paraît nous déchirer. -
La place des bonnes ; la domesticité féminine à Paris en 1900
Anne Martin-Fugier
- Grasset
- Figures
- 8 Novembre 1979
- 9782246085898
Elles balaient, font la cuisine, montent les seaux de charbon, vident les cuvettes et frottent l'argenterie du matin jusqu'au soir. Elles n'ont point de vie à elles. Car ce sont les bonnes.
Mais d'elles, on exige plus encore que l'accomplissement des tâches ménagères. Il faut qu'elles soient le Dévouement incarné. Car elles sont les Servantes.
Et si ce livre s'emploie, en détaillant leurs conditions de travail et d'existence, en décrivant les mentalités dans lesquelles elles étouffent, à dire quelle place est assignée aux bonnes par la moralité bourgeoise à la Belle Epoque, c'est dans le but d'exorciser le fantôme de la Servante, qui hante encore la plupart des femmes aujourd'hui, lorsqu'elles rentrent à la maison. -
Les philosophes, c'est bien connu, n'aiment pas trop penser leur corps. On dirait que cela les gêne, perturbe leur réflexion. Mieux : dans le corps, le nez et le phallus semblent être les deux appendices auxquels la tradition philosophique réserve la plus mauvaise part. Pourquoi ? Tel est l'objet de ce livre érudit, merveilleux d'humour et de sagesse. Michel Onfray montre en effet comment le nez et le phallus sont, pour les philosophes - de Socrate à Kierkegaard - les symptômes d'une animalité haïssable et indigne. Taine, Sartre, Marc Aurèle, Kant et bien d'autres sont alors convoqués devant un tribunal affectueux. Chaque fois, leur frayeur est analysée du point de vue de l'anecdote ou de la biographie. Dans le même temps, Michel Onfray montre qu'il existe une autre tradition philosophique - celle qui va des hédonistes grecs à Sade, des cyrénaïques à Fourier - qui, elle, assume et glorifie le corps. C'est à cette tradition que Michel Onfray rend ici hommage.
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Parmi les cinq sens, l'olfaction et le goût sont les plus décriés, car ils rappellent avec trop d'insistance que l'homme n'est pas seulement un être qui pense, mais qu'il est aussi un animal qui renifle, sent et goûte. D'où le discrédit jeté sur ces deux sens et ce qu'ils permettent : la gastronomie, l'art de manger et de boire. Or, on peut entendre la gastronomie comme une discipline qui voit le jour après la Révolution française, avec l'effondrement de l'Ancien Régime ; une philosophie du goût n'est pas pensable dans les catégories classiques de la pensée occidentale. Seule une perspective hédoniste permet d'aborder ce sujet d'une manière spécifiquement philosophique. La Raison gourmande se propose de répondre positivement à la question de Nietzsche : y a-t-il une philosophie du goût ? L'ouvrage est composé sur le mode contrapuntique : un chapitre solide, un chapitre liquide. Dom Perignon, Grimod de la Reynière, Brillat-Savarin, Carême deviennent ainsi - avec Leibniz, Descartes et Condillac - les héros de ce livre savant et drôle. Chaque fois, l'auteur s'interroge : quelle est la métaphysique promise par un ragoût ou une cuisson ? Et, inversement : de quelle technique gastronomique s'autorisent les grands systèmes philosophiques ?
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Quand les philosophes pensent, ils oublient, le plus souvent, de penser à leur corps et surtout à ce qu'ils y accumulent lorsqu'ils mangent. Pourtant, entre la pensée et la panse, il existe un réseau complexe d'affinités et d'aveux que la réflexion aurait tort de négliger : Diogène aurait-il été cet adversaire de la civilisation et de ses usages sans son goût pour le poulpe cru ? Le Rousseau du {Contrat social} aurait-il fait l'apologie de la frugalité si ses menus ordinaires ne s'étaient composés que de laitages ? Sartre lui-même, dont les cauchemars sont emplis de crabes, n'a-t-il pas, sa vie durant, payé - dans l'ordre de la théorie - son aversion pour les crustacés ? Dans cet essai résolument nietzschéen, Michel Onfray a donc choisi de redonner une dignité philosophique au cabillaud, au potage à l'orge, au vin, à l'andouillette, au café aromatisé ou à l'eau de Cologne qui sont - de Fourier à Marinetti, et de Kant aux existentialistes - les chemins improbables du gai savoir. Critique de la raison diététique ? Ebauche d'une "diététhique" ? Il s'agira d'abord, dans ce livre, de surprendre l'instant, et l'aliment, à partir duquel le corps rattrape l'esprit et lui dicte sa loi.
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Manifeste philosophique, écrit dans une langue belle et limpide, ce livre entend poser les bases d'un pessimisme historique de type nouveau. Convoquant auprès de lui les leçons de l'histoire récente, les enseignements du plus lointain passé, des références littéraires autant que métaphysiques, il peut se lire comme une véritable "archéologie du temps présent", acharnée à démontrer cette thèse résolument noire : la vie est une cause perdue et l'homme un Dieu manqué, le bonheur est une idée vieille et la société bonne un rêve meurtrier, le Maître a toujours raison parce qu'il est l'autre nom du monde. Renvoyant dos à dos toutes les versions modernes de l'optimisme, les confrontant à la pesante réalité de "la barbarie à visage humain", il irritera les gais savants qui continuent de croire dans les fables éternelles qui gouvernent le troupeau humain ; il répond pied à pied aux mensonges progressistes qui, à force d'enchanter le monde, le mènent peut-être à la catastrophe ; il n'épargne bien sûr pas le socialisme, cette tradition politique qui s'est tant de fois égarée, qu'elle n'est peut-être plus bonne aujourd'hui qu'à fournir au Nouveau Prince ses nouvelles armes politiques.
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Les stratégies fatales ; le cristal se venge
Jean Baudrillard
- Grasset
- Figures
- 2 Février 1983
- 9782246794448
"Aujourd'hui que toute radicalité critique est devenue inutile, que toute négativité s'est résolue dans un monde qui fait semblant de se réaliser, que l'esprit critique lui-même a trouvé dans le socialisme sa résidence secondaire et que l'effet de désir, enfin, est largement passé, que reste-t-il sinon de remettre les choses à leur point zéro énigmatique ? Or l'énigme s'est inversée : jadis c'était la Sphinge qui posait à l'homme la question de l'homme, qu'Oedipe a cru résoudre et que nous avons tous cru résoudre à sa suite - aujourd'hui c'est l'homme qui pose à la Sphinge, à l'inhumain, la question de l'inhumain, du fatal, de la désinvolture du monde envers nos entreprises, de la désinvolture du monde aux lois objectives. L'objet (la Sphinge), plus subtil, ne répond guère. Mais il faut bien qu'en désobéissant aux lois, en déjouant le désir, il réponde en secret à quelque énigme. Que reste-t-il que d'aller du côté de cette énigme, et d'opposer aux stratégies banales les stratégies fatales ?"J. B.
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« Pour bien voir un tableau et y prendre plaisir, il faut parfois se rendre attentif à un détail. Il en va de même pour les textes philosophiques. Une phrase, un mot manquant, une fracture du sens, et l'intelligence s'arrête, intriguée. Alors commence un travail de dépliage, d'où naît un texte nouveau.
Pour ceux qui aiment lire, un plaisir leur est alors promis : le plaisir de comprendre. Mais aujourd'hui, ce plaisir s'accompagne d'un devoir. Dans un univers que hantent les bouleversements de l'économie et les travestissements de la politique, ce qu'on ne comprend pas peut conduire à la servitude. On ne saurait s'y résigner, spécialement quand il s'agit de philosophes.
Platon, Kafka, Marx, Nietzsche, Lévi-Strauss, Primo Levi et Benny Lévy, Lacan, Foucault, Lénine, tous m'ont convoqué, un jour ou l'autre, au devoir de comprendre. Pour mon plaisir, j'ai donné à mes dépliages la forme de l'enquête. Amateur de fictions policières, j'en ai retrouvé le style. Mais à la fin, il ne s'agit pas de nommer un coupable. Il s'agit plutôt d'empêcher, détail par détail, la perpétuation d'un préjugé. Par ce moyen, la peinture, la philosophie et la politique s'entrecroisent et concourent à la liberté de penser. »J.-C. M. -
"N'avons-nous réellement le choix qu'entre le nationalisme jacobin et l'archaïsme des cultures "enracinées" chères à la nouvelle droite ? Qu'entre ce morne chauvinisme pour qui la culture n'est qu'un patrimoine, et la nostalgie régressive, rurale ou territoriale, des "minorités culturelles" ? Et si l'Art Moderne, de la littérature à la peinture, de James Joyce à Barnett Newman, dégageait un tout autre parcours ? Un affranchissement des pesanteurs nationales, des liens du sang et du sol ? Un geste à la fois singulier et universel ? Un effectif cosmopolitisme ? Ce sont quelques-unes des questions que pose ce livre. A travers un sondage historique des mythologies d'enracinement et le repérage dans la modernité culturelle de cet axe cosmopolite qui peut être perçu comme l'amorce de cette éthique anti-fasciste dont l'urgence n'est, hélas, plus à démontrer. Ce qui entraîne tout un voyage, où il sera question de Dante et de Kafka, de la Diaspora et du théâtre américain contemporain, de l'Exil et de la Dissidence - et aussi de Manhattan et de Venise, les villes suspendues entre le Ciel et l'Eau, les villes sans "racines"." G.S.
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La famille des Clermont-Tonnerre depuis l'an 1070
Elisabeth De Gramont
- Grasset (réédition numérique FeniXX)
- Figures du passé
- 19 Avril 2019
- 9782706280559
Cet ouvrage est une réédition numérique d'un livre paru au XXe siècle, désormais indisponible dans son format d'origine.
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En finir avec le vertige des bilans, des tables rases et des sombres abandons où se complaît l'époque. Sur les ruines du Politique et de ses idéologies mortifères, risquer les travaux d'une Morale, à hauteur d'Homme et d'Absolu. Rendre sa chance à l'espérance et aux quelques valeurs simples qui soutiennent les révoltes et les insurrections de l'heure. Tel est le défi que lance aux idolâtres, aux nihilistes et aux désenchantés le Testament de Dieu. Filant patiemment cette unique et lancinante question : que peuvent être aujourd'hui, en cette fin de Temps qui ne se lasse pas de solder ses monstres à l'état de barbarie, les principes et les fondements d'un antifascisme conséquent ?
La réponse, Bernard-Henri Lévy est allé la quérir dans le texte biblique. Dans cette Parole immémoriale, gravée au burin d'une Lettre, qu'inventa le peuple de Moïse. Dans ces textes de Mémoire qui, depuis des millénaires, célèbrent les vertus de Droit, de Loi et d'Universalité. Il parie, et démontre, que les prophètes du Livre sont aussi les fondateurs de l'idée neuve de Résistance. Qu'elle était là, déjà, de toute éternité, cette éthique d'insoumission à quoi le siècle nous oblige. Que nous avons des yeux pour ne pas voir, des oreilles pour ne pas entendre cet infini recours d'une tradition qui sauvait l'Homme en sauvant Dieu.
Dieu est mort, disent-ils ? A l'âge de la mort de Dieu, et donc des chambres à gaz et des camps de concentration, on ne dira jamais assez l'urgence d'en appeler au Testament monothéiste. -
1900 : triomphe du Bourgeois. Mais son épouse ? Cette femme qui parade, élégante, au Bois, suscite bien des craintes et des interrogations : est-elle honnête ? Qu'est-ce au juste qu'une honnête femme ? Que peut-elle faire pour n'être point oisive ? Comment entretiendra-t-elle le nid familial et accomplira-t-elle les mille devoirs qui la rendront digne de ses titres d'Epouse, de Mère, de Femme de Foyer ? Quelle fonction sociale pour elle, en dehors de la garde de la famille ? Et quelle éducation peut-elle recevoir sans trahir, demain sa vraie vocation ? Ces questions engendrent toutes sortes de discours qui, dans leur diversité et leurs contradictions, codifient le rôle dévolu aux femmes par la bourgeoisie. Ce livre analyse le modèle ainsi formé et montre comment, en suivant l'évolution des moeurs, il perdure, de la digne Epouse et Mère chapeautée et corsetée du début du siècle à la jeune Femme-qui-travaille d'aujourd'hui.
Anne Martin-Fugier a également écrit La Place des bonnes, un essai sur la domesticité féminine en 1900. -
D'une vie avec l'internet, Maël Renouard extrait des fragments, des pensées, des maximes. Il en fait une matrice à histoires, et le soubassement d'une philosophie qui se dessine par esquisses.
Ce qui en résulte ? Un livre d'un genre nouveau, pour un monde nouveau. Un livre à la fois expérimental et classique. Un livre qui recueille des sensations saisies sur le vif, et qui est chargé d'histoire et de culture. Un livre dont la forme évoque les essais de Valéry, de Baudrillard, de Barthes, de Gracq. Un livre qui manie le jeu, l'ironie, et pastiche La Bruyère pour parler des réseaux sociaux.
Des morceaux d'épopée issus du monde numérique s'élèvent sur le tombeau des expériences quotidiennes vécues dans le monde ancien. C'est la traversée - par un auteur dont l'existence se divise en deux, avant et après l'internet - d'une vie intérieure dont les frontières s'effacent en s'entremêlant à une mémoire extérieure, infinie. -
{La Dissidence freudienne} est une relecture de Freud, arrachée à ses gloses savantes et obscures. Un Freud dissident, subversif, remettant en question les langues de bois de la politique et de la théorie moderne. La psychanalyse, selon l'auteur, est à elle seule, et dans son simple exercice, une contestation vivante de toutes les idéologies et des principes d'asservissement contemporains. C'est la raison pour laquelle ce livre nous propose aussi une relecture critique des textes de Lénine, de Gramsci et de quelques autres. C'est la raison pour laquelle également, il nous propose un parallèle saisissant entre les discours fascistes et les grandes propositions marxistes unis dans le même souci d'ordre et de répression.
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La Chine, rêve et symbole, c'est fini. Avec la mort de Mao, le mythe s'est effondré. Profitant d'un timide dégel, les Chinois, aujourd'hui, témoignent tandis que leurs nouveaux maîtres, contraints ou par calcul, avouent : le paradis socialiste n'était que l'enfer d'un peuple brisé par les déportations et les massacres. Une nouvelle Apocalypse orchestrée par un vieillard sénile et fanatique : le Grand Bond en avant ? ce fut trois années de famine et vingt millions de morts. La Révolution culturelle ? cent millions de victimes... C'est tout cela que racontent Claudie et Jacques Broyelle. Mais Apocalypse Mao, c'est aussi le récit de la fin tragique de Liu Shaoqi, de He Long et de Peng Dehuai, les héros de la Longue Marche, de la tentative d'assassinat de Zhou Enlai... Accumulant témoignages et documents, entourés des conseils de sinologues avertis et surtout assistés par un jeune Chinois contestataire, Claudie et Jacques Broyelle brossent, ainsi, le premier tableau sans fard de la vraie Chine, tragiquement différente de l'utopie maoïste.
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Merleau-Ponty ou le corps de la philosophie
Bernard Sichère
- Grasset
- Figures
- 17 Février 1982
- 9782246277897
Il fallait lire, relire Merleau Ponty. A ce visage presque effacé de notre histoire intellectuelle récente, rendre un peu de sa lumière. A cette histoire intellectuelle elle-même, si peu connue, cette part de sa vérité.
On trouvera ici le portrait de l'homme bien sûr, et de la très grande figure qu'il fut des années clés du siècle. On y retrouvera aussi, admirablement mise au jour, la seule question qui comptât peut-être et qui est celle de ce Corps, énigmatique et pluriel, par lequel le monde nous arrive et où la nature, en nous, se prolonge. L'image s'y impose, surtout, d'une Pensée qui aurait elle-même un corps, qui ferait corps, qui serait corps et qui, ne cessant de désirer et de parler bien au-delà des voeux ou de la parole manifeste, assigne à cet étrange discours qu'on nomme philosophie, ses lettres de noblesse et sans doute son style. Bernard Sichère, au fond, n'aurait probablement pas risqué ce livre s'il n'était de ceux qui, d'abord, refusent de se résigner à cette rumeur sournoise, de plus en plus insistante, sur ce qu'il est convenu d'appeler, çà et là, la "mort de la philosophie". -
Nous vivons la fin de la représentation. L'essentiel aujourd'hui n'est plus d'être représentatif mais d'être branché. Les hommes politiques s'y essaient désespérement : leur intervention se résume désormais à un calcul d'effets spéciaux et de performances. Leur idéologie même n'en appelle pas à nos convictions profondes : elle nous branche ou ne nous branche pas. Victoire de la politique spectacle et des professionnels des médias. Echec d'une gauche qui se voudrait encore "divine", transparente, vertueuse et morale, représentative des valeurs profondes, des valeurs définitives de l'histoire. Elle ne peut que rencontrer l'indifférence ironique des masses. Cette chronique de la gauche de 1978 à 1984 analyse notre monde de simulation où l'emportera celui qui saura jouer avec les nouvelles stratégies de l'indifférence.
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Du pere au pire ; la politique et ses symptômes
Gérard Miller
- Grasset
- Figures
- 20 Janvier 1988
- 9782246383697
Gérard Miller se penche, avec dégoût et intérêt, sur l'inconscient des hommes politiques. De Le Pen à Barre, de Simone Veil à Giscard, de Mitterrand à Chirac, il s'interroge sur cette "pulsion de pouvoir" qui les anime. Cela donne, à la veille d'une campagne électorale, une série de portraits qui sont autant d'analyses "sauvages" où le geste, le lapsus et l'aveu sont impitoyablement traqués. De cette enquête - écrite dans une langue rigoureuse et plaisante -, il ressort que Freud n'avait pas tort d'être plus horrifié par la politique que par l'inceste. Si tout le monde lisait Miller, le parti des abstentionnistes serait le plus grand parti de France...
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Les Cyniques ? C'étaient, au IVe siècle avant l'ère chrétienne, des individus qui se réclamaient du chien, portaient barbe, besace et bâton, copulaient en public, faisaient du poisson masturbateur un modèle éthique et pratiquaient le jeu de mots en guise de méthodologie : là où d'aucuns font référence aux idées et aux théories absconses, ils opposaient le geste, l'humour et l'ironie. Leurs noms : Antisthène, Diogène, Cratès ou Hipparchia. Si Michel Onfray a choisi de les ressusciter ici, c'est parce que notre époque aurait beaucoup à apprendre d'eux : pour mieux mettre en péril les fondements de toute civilisation, ils invitent au cannibalisme, à l'omophagie, à l'inceste et au refus de toute sépulture. Leur matérialisme se double d'un souci hédoniste qui propose un accès aristocratique à la jouissance. En même temps, ils professent un athéisme radical doublé d'une impiété subversive et d'une pratique politique libertaire. Paradoxalement, en restaurant l'actualité du cynisme philosophique, on proposera dans cet ouvrage une pharmacopée au cynisme vulgaire. Michel Onfray a publié dans la même collection le Ventre des philosophes.
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Les biblioclastes ; le Messie et l'autodafé
Gérard Haddad
- Grasset
- Figures
- 19 Septembre 1990
- 9782246437291
Pourquoi Jésus changea-t-il le nom de l'apôtre Simon en celui de Pierre ? Pourquoi la fureur des ayatollahs contre un livre "satanique" ? Pourquoi Hitler inaugura-t-il son régime par un gigantesque bûcher de livres ? Pourquoi Sabbatai Tsevi entraîna-t-il la totalité des Juifs dans sa folie ? Ces questions ont-elles un dénominateur commun ? Ces énigmes partielles recouvrent une énigme fondamentale, celle du rapport de l'homme à la destruction des livres - c'est-à-dire à l'autodafé et à la "biblioclastie". L'éclairer permet de mieux comprendre les maladies politiques qui frappent ce siècle : totalitarisme, intégrisme, et, peut-être, de mieux s'en protéger. Cinquante ans après la mort de Freud, un psychanalyste s'attelle à ces questions avec ce résultat inattendu : une mise à jour freudienne du freudisme et du concept central de l'oedipe, trop vite rangé parmi les idées surannées.
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La sculpture de soi ; la morale esthétique
Michel Onfray
- Grasset
- Figures
- 22 Septembre 1993
- 9782246780359
Michel Onfray reste fidèle à la morale "hédoniste" dont il avait déjà esquissé les principes. En effet, pour ce jeune philosophe, l'Occident est fondé sur des valeurs et des vertus caduques. Il leur oppose, avec une grande allégresse de pensée et de style d'autres valeurs tournées vers le plaisir, la jouissance. Il voudrait donc ressusciter la "virtù" de la Renaissance contre les "vertus" judéo-chrétiennes. Il a imaginé ce livre qui est une promenade autour de la Méditerranée, principalement en Italie, à la recherche de tous les vestiges de cette virtù. Il rencontre ainsi la statue équestre d'un condottiere qui lui semble résumer ce dont sa pensée conserve la nostalgie : courage, théâtre, sens du jeu et de l'audace, passion de l'amitié, de la beauté et de la politesse, qualités qui toutes pourraient permettre à l'individu moderne de se "sculpter".
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Les psychanalystes sont malades, malades de la guérison. Guérir ? disent-ils. C'est bon pour les psychiatres, les psychologues, les charlatans. Alléger la souffrance des hommes ? La tâche est trop vulgaire pour les nouveaux gourous du savoir qu'ils sont en train de devenir. Et de fait, tout doucement, à mesure que freudisme et lacanisme sortent de leur ghetto, on les voit entrer un à un, tels une armée de clowns tristes, sur la scène de la culture. On les voit prendre rang, avec une étrange assurance, parmi les nouveaux riches de l'intelligentsia. Pamphlet ? Analyse ? Il y a de l'un et de l'autre dans ce livre mordant ; mais il y a surtout deux voix : chaque pas de la dénonciation est assorti d'une autocritique et d'un retour sur soi ; car ce procès n'est possible qu'au terme d'une cure dont le trajet nous est aussi conté.
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Ici, la vraie question ne sera plus de savoir si Martin Heidegger fut, ou ne fut pas, le complice philosophique des nazis. Ne serait-il pas plus raisonnable, dès lors, de se demander pourquoi et comment les intellectuels français n'ont pas osé, depuis trente ans, désacraliser une pensée si fermement enracinée dans son refus de la culture démocratique ? Plus encore : Heidegger fut-il, pour nos Modernes anti-modernes, l'ultime caution disponible après l'effondrement des marxismes ? Et ses principales thèses n'ont-elles pas fourni, à l'insu de tous, la matrice dans laquelle des intellectuels en mal de références ont voulu forger leurs slogans et leurs aversions d'époque ? Tel est donc l'objet de ce livre : refaire, à partir d'une oeuvre désormais suspecte, le chemin d'une histoire de l'esprit français et de ses aveuglements. Sur ce chemin, les auteurs rencontreront, bien sûr, la plupart des débats contemporains - du refus de la modernité à la critique soixante-huitarde de nos sociétés, de la haine de la technique à l'anti-humanisme obsessionnel de certains maîtres penseurs. On aura compris que, par-delà le philosophe de Etre et Temps, et par-delà ce qu'il appela lui-même sa "grosse bêtise", ce livre analyse d'abord les singulières naïvetés des intelligentsias qui n'ont jamais pu résister au plaisir de s'égarer.
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Le Yi king, un des plus anciens livres de sagesse (le millénaire chinois avant notre ère), repose sur le principe des hexagrammes, série de six traits superposés dont les multiples combinaisons ont un sens. Son succès, phénoménal en Occident, provient d'une déviation d'interprétation : on prend des baguettes imitant les traits des hexagrammes, on les lance, et la figure qu'elles dessinent en retombant devient divinatoire. Mais en employant cette technique, le texte fondateur est détourné de sa finalité première : la sagesse. C'est pourquoi François Jullien nous propose ici une tout autre lecture, premier texte du genre, s'appuyant sur les textes chinois et ne pouvant qu'être philosophique.