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Grasset
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« Cet Idiotie traite de mon entrée, jadis, dans l'âge adulte, entre ma dix-neuvième et ma vingt-deuxième année, de 1959 à 1962. Ma recherche du corps féminin, mon rapport conflictuel à ce qu'on nomme le "réel", ma tension de tous les instants vers l'Art et vers plus grand que l'humain, ma pulsion de rébellion permanente : contre le père pourtant tellement aimé, contre l'autorité militaire, en tant que conscrit puis soldat dans la guerre d'Algérie, arrêté, inculpé, interrogé, incarcéré puis muté en section disciplinaire.
Mes rébellions d'alors et leurs conséquences : fugue, faim, vol, remords, errances, coups et prisons militaires, manifestations corporelles de cette sorte de refus du réel imposé : on en trouvera ici des scènes marquantes.
Drames intimes, politiques, amitiés, camaraderies, cocasseries, tout y est vécu dans l'élan physique de la jeunesse. Dans le collectif. »
Pierre Guyotat -
Si Sartre connut son lot de scandales, aucun ne fut comparable à celui qui éclata un mois avant sa mort. En cause, son ultime publication : L'Espoir maintenant. Une série d'entretiens sur ses engagements, la révolution, la violence, l'éthique, le messianisme juif et le destin de l'humanité, où son interlocuteur est soupçonné d'avoir commis un abus de faiblesse, autant dire un "détournement de vieillard"...
Ces entretiens étaient en fait l'aboutissement de dix ans de travail et le fruit d'une amitié inattendue qui engendra une collaboration intellectuelle unique dans l'histoire de la pensée.
Tout commença dans un café de St Germain, le jour où Sartre rencontra un jeune homme mystérieux de 25 ans, de quarante ans son cadet, doté d'un charisme hors du commun, apatride, clandestin, sans-papiers, et chef incontesté d'un mouvement révolutionnaire radical. Il s'appelait Benny Lévy. Mais c'est sous son nom de guerre qu'il fut craint, admiré et décrié : « Pierre Victor ». C'était un 15 avril, et les deux hommes ne se quitteront plus pendant dix ans, jusqu'à cet autre 15 avril, en 1980, quand Sartre mourut.
Entre ces deux dates, un mystère. Persistant. C'est son élucidation qui fonde ce récit. Essai critique, biographique et enquête philosophique, ce livre s'appuie sur une documentation riche et partiellement inédite.
Ce récit se double d'une réflexion profonde sur l'universalité de l'oeuvre sartrienne et ses engendrements, sans épargner les contradictions intimes de son auteur et celles de son temps. -
Dans ce livre à la fois original et rigoureux, Tristan Garcia entreprend de rendre lisible la condition brouillée de notre « nous » ou de nos « nous ». Ces affirmations de nous-mêmes paraissent désormais correspondre à différents plans identitaires, sur lesquels nous revendiquons successivement notre appartenance à une ethnie, à une communauté de croyance, à une classe sociale ou professionnelle, à une orientation sexuelle, à une génération, sans savoir comment nous représenter le « nous des nous », dont nous relevons tous en définitive.
En ayant recours à toutes sortes de documents qui nous renseignent sur ce que nous appelons « nous », pamphlets, manifestes, journaux, textes théoriques ou chansons, l'auteur donne à entendre les mille voix qui ont prétendu parler au nom de nous: « nous les jeunes », « nous noirs », « nous blancs », « nous juifs », « nous musulmans », « nous femmes », « nous prolétaires », « nous décolonisés », « nous communistes », « nous homosexuels », « nous animaux et humains »... Tristan Garcia se montre attentif à toutes les traditions, et suspend tout jugement moral sur les contenus politiques, pour s'intéresser à la constitution d'une subjectivité politique: la détermination d'un « nous », d'un « vous », d'un « eux », le tracé de lignes entre amis et ennemis, la formation de solidarités et le creusement de fossés entre les camps.
Désireux de comprendre ces phénomènes plutôt que de s'en réjouir ou de les déplorer, Nous est ainsi un premier essai de vision d'ensemble de la fragmentation et de la recomposition des identités collectives. Il examine les modèles qui se sont succédés, pour mieux tenter de rendre compte de cette déconstruction, avant de proposer de reconstruire une idée et une image de ce que nous appelons « nous », qui que nous soyons.
Le livre donne ainsi très concrètement à voir le « nous » comme une superposition de calques, de plans transparents de notre imaginaire, sur lesquels nous prétendons tous découper l'espace social et nous y situer. Démontrant que ces calques de l'identité collective ont perdu leur fond, en se trouvant désolidarisés d'une nature sous-jacente, ce livre cherche à nos identités d'autres contraintes, qu'il trouve dans une dynamique d'extension et de contraction, et dans l'histoire de la domination et de la contre-domination.
Ce qui en ressort est un modèle inédit, vivant, de ce que nous sommes, de « nous », en tant que forme souple, s'étendant et se repliant sans cesse suivant une logique qu'il révèle peu à peu, au fil d'un récit construit comme une enquête palpitante. C'est aussi une tentative radicale de trouver dans la « guerre de nous contre nous » une forme universelle de subjectivité qui nous tient toujours ensemble, au moment précis où elle paraît nous déchirer. -
La place des bonnes ; la domesticité féminine à Paris en 1900
Anne Martin-Fugier
- Grasset
- Figures
- 8 Novembre 1979
- 9782246085898
Elles balaient, font la cuisine, montent les seaux de charbon, vident les cuvettes et frottent l'argenterie du matin jusqu'au soir. Elles n'ont point de vie à elles. Car ce sont les bonnes.
Mais d'elles, on exige plus encore que l'accomplissement des tâches ménagères. Il faut qu'elles soient le Dévouement incarné. Car elles sont les Servantes.
Et si ce livre s'emploie, en détaillant leurs conditions de travail et d'existence, en décrivant les mentalités dans lesquelles elles étouffent, à dire quelle place est assignée aux bonnes par la moralité bourgeoise à la Belle Epoque, c'est dans le but d'exorciser le fantôme de la Servante, qui hante encore la plupart des femmes aujourd'hui, lorsqu'elles rentrent à la maison. -
Puisant ses sources aussi bien aux origines de la pensée occidentale, de Platon à la Renaissance, que dans l'art, la littérature, la philosophie et les séries télévisées d'aujourd'hui, cet essai invite à repenser notre quotidien dans une époque où on n'a jamais autant lu et écrit- mais où, paradoxalement, les livres ne forment plus qu'une partie minoritaire de cette vaste bibliothèque à ciel ouvert qu'est notre monde.
A rebours d'un pessimisme ambiant qui prêche la fin de la lecture, Donatien Grau rappelle l'omniprésence du texte dans notre vie : sur internet, nos téléphones, nos ordinateur mais aussi sur les murs ou au travail. Difficile d'imaginer une journée sans lire... Pourtant, enfermés dans notre univers digital, nous avons cru à la nouveauté radicale de notre temps. Un temps où la lecture et l'écriture seraient devenues le pré-carré de quelques professionnels. Il n'en n'est rien et tout l'enjeu de cet essai est de retracer l'histoire de ce malentendu, de revenir sur l'opposition stérile fixée par la tradition entre philologie et philosophie, et de mettre en évidence des cas contemporains de lecture hors des livres mêmes. Peut-être alors pourrons-nous de mieux appréhender le sentiment de perte, d'abandon, de désarroi qui s'est imposé dans nos existences. Une existence où la séparation entre haute culture et culture populaire n'a en soi plus de sens, mais où les grandes oeuvres demeurent. -
Les philosophes, c'est bien connu, n'aiment pas trop penser leur corps. On dirait que cela les gêne, perturbe leur réflexion. Mieux : dans le corps, le nez et le phallus semblent être les deux appendices auxquels la tradition philosophique réserve la plus mauvaise part. Pourquoi ? Tel est l'objet de ce livre érudit, merveilleux d'humour et de sagesse. Michel Onfray montre en effet comment le nez et le phallus sont, pour les philosophes - de Socrate à Kierkegaard - les symptômes d'une animalité haïssable et indigne. Taine, Sartre, Marc Aurèle, Kant et bien d'autres sont alors convoqués devant un tribunal affectueux. Chaque fois, leur frayeur est analysée du point de vue de l'anecdote ou de la biographie. Dans le même temps, Michel Onfray montre qu'il existe une autre tradition philosophique - celle qui va des hédonistes grecs à Sade, des cyrénaïques à Fourier - qui, elle, assume et glorifie le corps. C'est à cette tradition que Michel Onfray rend ici hommage.
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Parmi les cinq sens, l'olfaction et le goût sont les plus décriés, car ils rappellent avec trop d'insistance que l'homme n'est pas seulement un être qui pense, mais qu'il est aussi un animal qui renifle, sent et goûte. D'où le discrédit jeté sur ces deux sens et ce qu'ils permettent : la gastronomie, l'art de manger et de boire. Or, on peut entendre la gastronomie comme une discipline qui voit le jour après la Révolution française, avec l'effondrement de l'Ancien Régime ; une philosophie du goût n'est pas pensable dans les catégories classiques de la pensée occidentale. Seule une perspective hédoniste permet d'aborder ce sujet d'une manière spécifiquement philosophique. La Raison gourmande se propose de répondre positivement à la question de Nietzsche : y a-t-il une philosophie du goût ? L'ouvrage est composé sur le mode contrapuntique : un chapitre solide, un chapitre liquide. Dom Perignon, Grimod de la Reynière, Brillat-Savarin, Carême deviennent ainsi - avec Leibniz, Descartes et Condillac - les héros de ce livre savant et drôle. Chaque fois, l'auteur s'interroge : quelle est la métaphysique promise par un ragoût ou une cuisson ? Et, inversement : de quelle technique gastronomique s'autorisent les grands systèmes philosophiques ?
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Quand les philosophes pensent, ils oublient, le plus souvent, de penser à leur corps et surtout à ce qu'ils y accumulent lorsqu'ils mangent. Pourtant, entre la pensée et la panse, il existe un réseau complexe d'affinités et d'aveux que la réflexion aurait tort de négliger : Diogène aurait-il été cet adversaire de la civilisation et de ses usages sans son goût pour le poulpe cru ? Le Rousseau du {Contrat social} aurait-il fait l'apologie de la frugalité si ses menus ordinaires ne s'étaient composés que de laitages ? Sartre lui-même, dont les cauchemars sont emplis de crabes, n'a-t-il pas, sa vie durant, payé - dans l'ordre de la théorie - son aversion pour les crustacés ? Dans cet essai résolument nietzschéen, Michel Onfray a donc choisi de redonner une dignité philosophique au cabillaud, au potage à l'orge, au vin, à l'andouillette, au café aromatisé ou à l'eau de Cologne qui sont - de Fourier à Marinetti, et de Kant aux existentialistes - les chemins improbables du gai savoir. Critique de la raison diététique ? Ebauche d'une "diététhique" ? Il s'agira d'abord, dans ce livre, de surprendre l'instant, et l'aliment, à partir duquel le corps rattrape l'esprit et lui dicte sa loi.
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Peut-on s'arrêter de fumer sans oublier le fumeur qu'on a été ?
Dans ce livre à mi-chemin entre l'essai et le récit, Nathan Devers raconte sa vie à la lumière de la relation qu'il a entretenue, pendant plus de dix ans, avec le tabac. Il revient sur des expériences qu'ont sans doute partagées la plupart des fumeurs : la première cigarette, l'apparition de la dépendance, ses effets bénéfiques et néfastes, l'incapacité de faire quoi que ce soit sans « en allumer une », les vaines tentatives de sevrage - et puis l'invention d'une méthode, résolument personnelle, pour en finir avec cette addiction.
Parallèlement à cette confession, Nathan Devers développe une réflexion sur l'histoire de la cigarette et son imaginaire. Qu'est-ce qui distingue le fumeur mondain du fumeur invétéré ? Comment expliquer que les écrivains, si loquaces lorsqu'il s'agit de parler des drogues ou de l'alcool, aient accordé si peu de place à la cigarette ? Existe-t-il pour autant un espace fumeur de la littérature ? C'est un tel espace que l'auteur s'emploie à construire, en faisant dialoguer quelques fumeurs mythiques, de Michel Houellebecq à Pierre Louÿs en passant par Italo Svevo, Roland Barthes et un certain Maurice de Fleury...
A l'heure où la cigarette fait l'objet d'une quasi-prohibition, ce livre n'est ni une apologie du tabac ni un traité hygiéniste, mais un hommage, teinté d'humour et de mélancolie, adressé à cette espèce en voie de disparition qu'incarnent les fumeurs. -
Proust amoureux : vie sexuelle, vie sentimentale, vie spirituelle
Patrick Mimouni
- Grasset
- Figures
- 17 Novembre 2021
- 9782246829843
Proust amoureux, vie sexuelle, vie sentimentale, vie spirituelle, c'est le « grand livre » de Mimouni sur Proust, celui dont le précédent n'était au fond que l'esquisse. C'est aussi un essai biographique qui rivalisera avec les travaux de Painter, de Diesbach et de Tadié, ne serait-ce que parce qu'elle révèle de nouveaux éléments sur Proust, de nouveaux pans de sa vie mystrieuse. On y trouvera des informations et documents inédits concernant sa sexualité. Des hypothèses neuves sur son mysticisme, son goût pour le spiritisme, sa croyance en une certaine forme de métempsychose. Patrick Mimouni y approfondit aussi ce qui fut « la » révélation de son précédent livre : le lien, à la fois secret et transparent, de Proust à la pensée juive et, parfois, au Zohar.
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Manifeste philosophique, écrit dans une langue belle et limpide, ce livre entend poser les bases d'un pessimisme historique de type nouveau. Convoquant auprès de lui les leçons de l'histoire récente, les enseignements du plus lointain passé, des références littéraires autant que métaphysiques, il peut se lire comme une véritable "archéologie du temps présent", acharnée à démontrer cette thèse résolument noire : la vie est une cause perdue et l'homme un Dieu manqué, le bonheur est une idée vieille et la société bonne un rêve meurtrier, le Maître a toujours raison parce qu'il est l'autre nom du monde. Renvoyant dos à dos toutes les versions modernes de l'optimisme, les confrontant à la pesante réalité de "la barbarie à visage humain", il irritera les gais savants qui continuent de croire dans les fables éternelles qui gouvernent le troupeau humain ; il répond pied à pied aux mensonges progressistes qui, à force d'enchanter le monde, le mènent peut-être à la catastrophe ; il n'épargne bien sûr pas le socialisme, cette tradition politique qui s'est tant de fois égarée, qu'elle n'est peut-être plus bonne aujourd'hui qu'à fournir au Nouveau Prince ses nouvelles armes politiques.
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Voilà l'un des premiers livres sur l'opéra qui nous révèle l'importance de l'intrigue, les paroles échangées, dans et à travers la musique. Et ce livre, c'est une femme qui l'a écrit. Car, si l'on prête attention aux drames qui se jouent dans le trompe-l'oeil de la mise en scène et d'une musique sublime, on y voit de longs cortèges de femmes bafouées dont une société d'hommes va admirer les malheurs, avant le souper. Femmes tuées, abandonnées, méprisées et magnifiées, détestées et adorées : voix chantantes des mamans et des putains dans les bourgeoisies régnantes. Certes, au tomber du rideau, la cantatrice morte se relève, noyée sous des bouquets d'adorateurs : mais l'image de la jeune fille tuée par les familles des pères reste au coin des sourires. Un livre qui fascinera aussi bien les amateurs d'opéra que tous ceux qui n'ont jamais été à l'opéra. Tous seront touchés par les accents d'une femme qui n'en finit pas de découvrir que notre culture s'est jouée des femmes en faisant mine de les adorer.
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Qu'en est-il de Brecht aujourd'hui ? Momifié, académisé par la gauche bien-pensante, il semble devenu la figure majeure du nouveau conformisme culturel. Partout joué, lu, cité, commenté, Brecht apparaît comme l'ultime exemple incontesté de cette monstruosité : l'art militant. Guy Scarpetta en a eu assez de cette idolâtrie, des unanimités qu'elle suscite et des mythologies vieillies qui l'accompagnaient. D'où ce livre, premier grand essai de démystification de l'imposture brechtienne. Faisant voler en éclats les stéréotypes, Scarpetta y dévoile une autre image de Brecht, infiniment plus étroite, dogmatique et totalitaire que celle de la légende admise. Il révèle un Brecht aux conceptions théâtrales réductrices, un Brecht aveugle à l'art moderne, et fondamentalement complice de la logique stalinienne ; un Brecht, enfin, inapte à combattre jusqu'au bout le fascisme, pour n'en pouvoir saisir les racines, et peut-être même en partager obscurément certains ressorts, comme l'antisémitisme. Mais ce livre est plus qu'un simple ouvrage de démystification : à travers Brecht, Scarpetta commence à poser la question des rapports que "l'avant-garde" culturelle de ce siècle a entretenus avec le totalitarisme. Il montre le lien paradoxal qui peut unir un écrivain "révolutionnaire" aux régressions les plus abjectes de nos modernes barbaries.
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"Akavia fils de Mahallel conseillait à l'homme de constamment méditer sur trois choses : d'où il vient, où il va et devant qui il va devoir rendre des comptes. Pour un écrivain qui se veut témoin, ce conseil est particulièrement précieux. Jetant un regard sur l'itinéraire parcouru, il doit parfois dresser un bilan. Bien sûr, on retrouvera ici quelques-uns de mes thèmes et obsessions. Quarante ans après l'Evénement, j'éprouve toujours l'angoisse de ne pouvoir dire l'indicible, l'obligation d'essayer, et la sensation d'avoir échoué. Comment décrire la distance qui sépare les morts des vivants, les Juifs de leurs ennemis. Auschwitz d'Hiroshima ?Certains textes de ce volume - dont le choix pourrait paraître arbitraire - reflètent l'actualité changeante. Le scandale de la torture officialisée, la tragédie des Indiens Miskitos, les tueries au Liban : impossible de ne pas prendre position. Et puis, la menace nucléaire : impossible de lui tourner le dos...Nous serons tous jugés un jour. Par les morts." E.W.
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L'auteur montre pourquoi la notion de "mort de Dieu" pose plus de difficultés qu'elle n'en résout. Comment le Dieu dont on proclame la mort est un Dieu conceptuel, abstrait, désincarné, à la lettre une idole. Et comment la question de Dieu s'ouvre d'autant plus que cette idole ne cesse, sous nos yeux, de mourir... Dieu est mort donc, le Dieu des philosophes, le Dieu de la raison rationnelle : vive Dieu par conséquent, le Dieu de la distance, le Dieu mystérieux et insondable du credo quia absurdum. L'originalité de cette étude, à la fois rigoureuse et brillante, tient à ce que, pour la première fois, un philosophe chrétien reprend et se nourrit de problématiques aussi "hérétiques" que celles de Heidegger, Hlderlin ou Jacques Derrida.
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Et si la France n'était pas seulement cette patrie des libertés, des lumières, des droits de l'homme que nous disent les légendes et la bonne conscience officielles ? Et s'il fallait en finir avec la trop commode habitude qui fait toujours chercher ailleurs - à Berlin, à Moscou, par exemple - les sources de la barbarie et des égarements contemporains ? Et s'il était temps, enfin, de regarder aussi chez nous, à nos portes, dans nos mémoires, pour tenter de rendre compte de cette infamie discrète ou parfois brusquement explosive qui, de loin en loin, nous rappelle à la réalité ? Telle est la question posée ici par Bernard-Henri Lévy. Et telle l'exigence qui commande à cette enquête, à ce voyage au bout de l'idéologie française. L'« idéologie française » ? Il entend par là une masse, un bloc, comme une hideuse banquise de textes qui cheminent et dérivent, depuis un siècle maintenant, à la surface de notre culture. Une purulente plaie de mots qui, souvent, ont eu le poids des choses et qui, marqués au sceau de nos plus dignes penseurs nationaux, n'ont jamais vraiment cessé de suinter dans nos terres et d'envenimer nos têtes. Un ventre fécond, abominablement fertile, quoique obstinément ignoré, et où se sont enfantés, de l'affaire Dreyfus à Vichy et de Vichy jusqu'à nos jours, quelques-uns des plus sombres délires de l'Age où nous vivons. Bref, la matrice de ce qu'il appelle - en construisant son concept et en déduisant ses figures - le fascisme aux couleurs de la France
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Comment s'est produite dans notre histoire récente l'intervention de la pensée de Jacques Lacan ? Comment cette doctrine a-t-elle pu se concrétiser en une position éthique et politique ? Quelle version propose-t-elle, par exemple, de l'idée de révolte ou du slogan : "On a raison de se révolter" ? Quels liens l'unissent-ils à des phénomènes aussi apparemment lointains que Mai 68 et la Révolution culturelle chinoise ? Bref, par quel jeu de médiations ou de relais un enseignement difficile, exigeant, qui, en révélant l'impasse d'une éthique de la jouissance incarnée par Don Juan, mettait au premier plan la théorie de la Loi, a-t-il pu prendre effet de la façon la plus concrète et la plus spectaculaire dans les sursauts de l'époque ? Ce sont ces question - et bien d'autres - qui sont ici posées, avec en filigrane le destin d'un itinéraire moral et politique qui fut celui de toute une génération.
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« espagnol de merde » ou la véritable et longue histoire des cinq saisons
Jacques Martinez
- Grasset
- Figures
- 3 Octobre 2012
- 9782246800729
Parce qu'un jour, un jour de juillet, du côté de Perpignan, quelqu'un lui a crié « Espagnol de merde ! », parce qu'un autre jour, sur une place de Séville, il a appris la mort de Benny Lévy à Jérusalem. Parce que, quelque temps plus tôt, un matin à Paris, quelqu'un lui avait dit d'arrêter de faire des gravures sur cuivre, l'auteur a décidé de réfléchir pour savoir où il en était des choses de la terre, des choses de la religion, et surtout, de son travail d'artiste.
Parce que la seule manière qu'il avait d'avancer dans ces questions et d'y trouver des réponses lui apparut être évidemment son atelier, c'est là qu'il s'enferma pendant de longs mois. Bien sûr il y eut l'atelier parisien, mais aussi, de Séville à Venise, de Collioure à Lucerne, de Nice à Santiago, et de Paris à l'Andalousie, un atelier européen. Un atelier au pluriel pour « Cinq saisons ».
Ce livre est donc une réflexion menée par un artiste sur son travail et sur sa vie. Mais c'est aussi un document, parce qu'il est rare de pouvoir entrer dans l'intimité d'un acte créateur, de découvrir au plus près comment un souvenir, une idée, une image, peuvent devenir une oeuvre. -
« Pour bien voir un tableau et y prendre plaisir, il faut parfois se rendre attentif à un détail. Il en va de même pour les textes philosophiques. Une phrase, un mot manquant, une fracture du sens, et l'intelligence s'arrête, intriguée. Alors commence un travail de dépliage, d'où naît un texte nouveau.
Pour ceux qui aiment lire, un plaisir leur est alors promis : le plaisir de comprendre. Mais aujourd'hui, ce plaisir s'accompagne d'un devoir. Dans un univers que hantent les bouleversements de l'économie et les travestissements de la politique, ce qu'on ne comprend pas peut conduire à la servitude. On ne saurait s'y résigner, spécialement quand il s'agit de philosophes.
Platon, Kafka, Marx, Nietzsche, Lévi-Strauss, Primo Levi et Benny Lévy, Lacan, Foucault, Lénine, tous m'ont convoqué, un jour ou l'autre, au devoir de comprendre. Pour mon plaisir, j'ai donné à mes dépliages la forme de l'enquête. Amateur de fictions policières, j'en ai retrouvé le style. Mais à la fin, il ne s'agit pas de nommer un coupable. Il s'agit plutôt d'empêcher, détail par détail, la perpétuation d'un préjugé. Par ce moyen, la peinture, la philosophie et la politique s'entrecroisent et concourent à la liberté de penser. »J.-C. M. -
Les stratégies fatales ; le cristal se venge
Jean Baudrillard
- Grasset
- Figures
- 2 Février 1983
- 9782246794448
"Aujourd'hui que toute radicalité critique est devenue inutile, que toute négativité s'est résolue dans un monde qui fait semblant de se réaliser, que l'esprit critique lui-même a trouvé dans le socialisme sa résidence secondaire et que l'effet de désir, enfin, est largement passé, que reste-t-il sinon de remettre les choses à leur point zéro énigmatique ? Or l'énigme s'est inversée : jadis c'était la Sphinge qui posait à l'homme la question de l'homme, qu'Oedipe a cru résoudre et que nous avons tous cru résoudre à sa suite - aujourd'hui c'est l'homme qui pose à la Sphinge, à l'inhumain, la question de l'inhumain, du fatal, de la désinvolture du monde envers nos entreprises, de la désinvolture du monde aux lois objectives. L'objet (la Sphinge), plus subtil, ne répond guère. Mais il faut bien qu'en désobéissant aux lois, en déjouant le désir, il réponde en secret à quelque énigme. Que reste-t-il que d'aller du côté de cette énigme, et d'opposer aux stratégies banales les stratégies fatales ?"J. B.
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Qu'appelle-t-on oeuvre inachevée ? Qu'est-ce que terminer une toile, finir un roman, achever une sculpture ? Quel sens a l'abandon d'une oeuvre ? Dans sa fascination pour le tout et la beauté accomplie, l'esthétique classique refuse de poser ces questions. Totalitaire, elle a imposé le silence sur des oeuvres "imparfaites" de Michel-Ange, Stendhal ou David.Face à ce despotisme, l'époque contemporaine réclame l'inachevé qui n'est plus accident mais passion des formes tâtonnantes, itinérantes, toujours en constitution. Avec Kandinsky, Ernst, Joyce, Céline, Nietzsche et tant d'autres, l'inachevé, le fragment, la trace triomphent des pensées systématiques et témoignent de l'impérissable désir de représenter la vie qui n'a ni commencement ni fin. C'est toute l'épopée récente de l'imagination humaine qui nous est ici offerte.
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Les mémoires maudites ; Juifs et homosexuels dasn l'oeuvre et la vie de Marcel Proust
Patrick Mimouni
- Grasset
- Figures
- 11 Avril 2018
- 9782246814566
Dans le grand oeuvre de Marcel Proust, A la recherche du temps perdu, les Juifs et les homosexuels occupent une place centrale - voire de plus en plus essentielle à mesure que l'auteur s'achemine vers son « Temps Retrouvé ». Il y a même, entre ces deux « races » (c'est le mot, désormais politiquement incorrect, que Proust lui-même utilise) une commune « malédiction », qu'il est fascinant de comprendre et d'analyser.
C'est à cette tâche que se consacre l'ouvrage majeur de Patrick Mimouni.
Ainsi, explorant les « Mémoires maudites » des habitants de Sodome et des enfants d'Israël, il en arrive à « relire » l'ensemble de la Recherche sous un angle entièrement renouvelé.
Mieux, il reprend des épisodes absolument familiers aux proustiens classiques - comme « les vertèbres du front » de Tante Léonie, « l'antisémitisme « de Bloch, les « danses nuptiales et bourdonnantes » du baron de Charlus, « la Croix de guerre » que Saint-Loup oublie dans la maison de passe de la rue de l'Arcade, etc... - en les resituant dans un contexte plus vaste : celui de la société française à l'aube du 20ème siècle.
Il en résulte un ouvrage follement romanesque malgré son érudition.
Et qui, à n'en pas douter, fera autorité dans les cénacles (de plus en plus vastes) proustiens. -
La liste est longue des peintres et des écrivains par qui le scandale est arrivé. Aux noms de Goya, Manet, Flaubert, Sade, Joyce...il nous faut aujourd'hui ajouter ceux de Scorsese et Rushdie. Un cinéaste puis un romancier se sont à nouveau rendus coupables du crime de lèse-sacré. Pourquoi images et écrits ont-ils toujours ce pouvoir d'affoler les communautés humaines et de mettre en péril les morales ? Et pourquoi est-ce le sacré que, toujours, on invoque pour faire barrage à la force insurrectionnelle de tel tableau, de tel film, de tel livre ? Jacques Henric, dans {la Peinture et le Mal}, avait proposé un début de réponse. Il poursuit ici son enquête en prenant pour objet le roman. Ainsi sur la scène de sa tragi-comédie défilent de graves, joyeuses ou pittoresques figures : Ulysse, Kafka, Nietzsche, Jarry, Leiris, Bataille, Stendhal, Céline, Warhol et les autres...des mystiques, des femmes, des saints, des fous, des prostituées... Il y a dans la littérature un "parti de la mort" et un "parti de la joie". Jacques Henric montre dans quel camp se situe le roman.
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Les biblioclastes ; le Messie et l'autodafé
Gérard Haddad
- Grasset
- Figures
- 19 Septembre 1990
- 9782246437291
Pourquoi Jésus changea-t-il le nom de l'apôtre Simon en celui de Pierre ? Pourquoi la fureur des ayatollahs contre un livre "satanique" ? Pourquoi Hitler inaugura-t-il son régime par un gigantesque bûcher de livres ? Pourquoi Sabbatai Tsevi entraîna-t-il la totalité des Juifs dans sa folie ? Ces questions ont-elles un dénominateur commun ? Ces énigmes partielles recouvrent une énigme fondamentale, celle du rapport de l'homme à la destruction des livres - c'est-à-dire à l'autodafé et à la "biblioclastie". L'éclairer permet de mieux comprendre les maladies politiques qui frappent ce siècle : totalitarisme, intégrisme, et, peut-être, de mieux s'en protéger. Cinquante ans après la mort de Freud, un psychanalyste s'attelle à ces questions avec ce résultat inattendu : une mise à jour freudienne du freudisme et du concept central de l'oedipe, trop vite rangé parmi les idées surannées.