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Myriel
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Dans le grand naufrage européen du milieu du XXème siècle, la voix de Zweig reste encore aujourd'hui l'une des plus confondantes de lucidité. Très loin du novelliste romantique et distingué, toute une partie de l'oeuvre du dernier Zweig, homme en fin de vie, prisonnier des affres de son exil forcé, s'attache à décrire les bouleversements politiques de son époque.
Incipit Hitler est du nombre de ces textes bouillant d'actualité, textes sombres et lucides, réflexion d'un homme sur les violences de son temps et les coups portés par le destin. En préalable à sa démarche, il y a d'évidence une conviction : que les malheurs de sa propre vie servent à l'enseignement porté aux générations suivantes, qu'elles puissent comprendre grâce à cela comme elles sont chanceuses de vivre une époque apaisée et calme. Car Zweig, lui, n'eut point cette chance tout au long de sa vie. Ah certes, oui, il a conscience d'avoir grandi et prospéré dans une Europe parvenue au summum de son excellence civilisationnel, mais tout ça finira par être détruit par la folie des nazis.
Et ce drôle de titre de pouvoir s'expliquer très facilement après ça. Hitler ne vient pas de nulle part ; l'homme, à sa façon, eut du génie et nombre de talents. Et le plus utiles d'entre eux fut sans conteste la rouerie du personnage. Peu à peu, il fit s'enfoncer tout d'abord l'Allemagne puis l'Europe et enfin le monde. C'est cet ignoble naufrage dont Zweig nous parle ici.
Entre souvenirs et réflexions, Zweig dresse l'esquisse précise d'un abandon, celui de tout un continent à la folie destructrice d'un homme. Et pourtant, rien de tout ça n'était inéluctable, c'est dès le commencement, sitôt les bases de l'hitlérisme posées, pour chaque premier crime tenté ou exécuté que la vérité du mal était énoncée. -
Tout a été dit ou presque sur Stefan Zweig le novelliste et grand témoin de son temps. L'histoire de la littérature a su faire une place importante au grand auteur autrichien. Ses dons de conteur furent si appréciés de son vivant que certains allèrent jusqu'à regretter que le natif de Vienne n'ait pas eu l'envie de pousser plus loin ses dons de romancier. C'est que Zweig fut engagé sur bien des fronts stylistiques pour pouvoir exceller dans tout ce que son énorme talent lui offrait comme possibilités.
Parmi ces autres genres dont se peuplent sa grande oeuvre, il y les biographies. Féru d'histoire, de lecture et d'actualité, Zweig ne pouvait passer à côté des grandes figures du temps d'avant. Un écrivain guida, c'est certain, Zweig vers tant de considération pour la discipline historique : c'est Balzac. Dans l'introduction qu'il consacre ici à Joseph Fouché, Zweig fait allusion à sa dette vis-à-vis du grand écrivain français. À le lire, seul Balzac sut comprendre avant tout le monde l'étrange beauté de Fouché. Car il y a tout dans la carrière de l'ancien oratorien. Il y a le dépassement d'une éducation première qui le vouait aux questions religieuses ; il y a l'arrivisme, comme beaucoup d'hommes de son temps d'ailleurs et il y a l'envie de faire l'Histoire à tout prix. Fouché, c'est bien plus qu'un Rastignac si on en reste à l'univers balzacien. Car Rastignac ne fut en rien le crime ou la mise à mort. Fouché, lui, n'hésita jamais à tuer, quitte à se raviser et à tout faire pour, finalement, s'en dépêtrer par la ruse ou le reniement de ses crimes.
Fils d'esclavagiste finissant par promouvoir l'abolition en 1794 ; élève des oratoriens devenu bruleur d'église pendant les pires heures de la Révolution. Missionnaire de la République à la violence inouïe, ministre de la Police criminel, grand commis de l'État comploteur contre qui l'embauche, ancien révolutionnaire finissant sa vie en homme anobli. Fouché fut tout ça. Il fut essentiel à l'histoire française des années révolutionnaires et impériales. Il fallait bien l'immense talent d'un écrivain comme Zweig pour nous raconter cette vie hors du commun.