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Louis Quéré
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Les émotions humaines sont non seulement des phénomènes organiques, dotés d'un « avantage adaptatif », mais aussi des phénomènes biologiques transformés par un environnement social et culturel. Les recherches actuelles en neurosciences des émotions expliquent bien la composante biologique, mais prennent peu en considération la façon dont un milieu socio-culturel peut l'imprégner. Elles s'inspirent de la théorie de Darwin, tout en prêtant peu d'attention à l'un des principes auxquels celui-ci rapportait l'expression des émotions chez l'homme et les animaux : « l'association d'habitudes utiles ». Cet ouvrage présente et discute les principales approches actuelles en neurosciences des émotions. Il tente de définir précisément les limites de ce qu'elles peuvent nous apprendre. Il pointe le caractère problématique de certains de leurs présupposés, en particulier leur propension à amalgamer le vocabulaire psychologique ordinaire, dont relève la notion d'émotion, et celui des sciences naturelles. Il s'applique enfin à penser à nouveaux frais l'« avantage adaptatif » des émotions humaines, et à expliquer, à l'aide d'une théorie des habitudes émotionnelles, la capacité d'un environnement culturel à pénétrer la dimension organique de ces émotions.
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Nos émotions gouvernent au côté de la raison notre manière de percevoir le monde qui nous entoure, de nous y situer et d'agir. Si la modernité les localise dans l'intériorité psychologique du sujet, les recherches récentes, participant aussi bien des neurosciences que des sciences humaines et sociales, tendent à voir dans les émotions le moteur de nos actions, les orientant vers l'environnement qui les conditionne comme elles le modifient. Cet ouvrage se propose d'explorer les avancées de la science des émotions, faisant la part belle au pragmatisme, sans négliger les approches phénoménologiques. À rebours des thèses de la neurobiologie risquant de les réduire à leur substrat biologique, l'auteur s'intéresse aux dimensions socioculturelle et expressive des émotions défendues par Dewey et Wittgenstein. Le phénomène des émotions collectives est également abordé sous un angle sociologique et anthropologique à partir des travaux de Durkheim et Mauss, pour faire valoir le rôle du groupe dans la genèse d'émotions parfois destructrices, mais aussi créatrices. L'analyse de ce phénomène est cruciale pour comprendre les événements politiques et les passions sociales qu'ils soulèvent, de même que les pratiques rituelles et artistiques.
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À l'époque moderne, la confiance a souvent été considérée comme une attitude infantile, tandis que la méfiance bénéficiait d'un crédit de maturité d'esprit, car soi-disant plus rationnelle. Ce que tente de montrer cet ouvrage est que la confiance n'est pas une faiblesse excusable, mais une forme d'intelligence dans la vie sociale. Aujourd'hui, on s'inquiète beaucoup du déclin de la confiance, et certains s'alarment du développement d'une « culture de la suspicion », dont le complotisme est l'une des manifestations. Le diagnostic est souvent fondé sur les sondages d'opinion. Mais ceux-ci sont de piètres outils pour saisir l'état réel de la confiance. Si « crise de la confiance » il y a, il s'agit plutôt d'une crise de la « déférence », en partie liée à l'individualisme expressif moderne. Quant à la « culture de la suspicion », si son développement ne fait pas de doute, il est à rapporter aux transformations qu'ont subies la sphère de la communication sociale et la gestion de la res publica dans les formes récentes du libéralisme.
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Dynamiques de l'erreur
Christiane Chauviré, Albert Ogien, Louis Quéré
- Éditions de l`École des hautes études en sciences sociales
- 2 Juillet 2020
- 9782713230974
L'expérience humaine est vulnérable. L'erreur y est inévitable. Elle se faufile partout. Si elle est généralement affectée d'une valeur négative - elle est à éviter, à corriger, à réparer -, elle présente aussi un potentiel positif. On apprend de ses erreurs, car les révisions auxquelles conduisent leur découverte et leur examen sont des moments essentiels dans la production du savoir, dans le raisonnement pratique ou dans la détermination des conduites appropriées aux situations. L'étude de l'erreur se développe en grande partie aujourd'hui à partir de travaux de psychologie cognitive, qui traquent les erreurs de raisonnement, les biais cognitifs et la formation de croyances fausses et expliquent causalement ces phénomènes par des mécanismes inconscients ou des inclinations naturelles de l'esprit humain. Le problème est que, pour ce faire, ils doivent présupposer des normes absolues (de vérité ou de rationalité, de raisonnement déductif ou de raisonnement statistique) par rapport auxquelles les erreurs représentent des écarts mesurables. C'est une tout autre approche que propose le présent ouvrage : analyser l'erreur sous l'angle de sa socialité, c'est-à-dire en l'envisageant dans les multiples contextes et dans les dynamiques plurielles où elle se produit, est prévenue, identifiée, relevée, appréciée, attribuée, rejetée, qualifiée, traitée. Des études de cas mettent la thèse de la valeur positive de l'erreur à l'épreuve : elles examinent l'usage de l'erreur aussi bien dans la science que dans l'enseignement de la logique ; dans l'établissement des preuves au tribunal que dans la résolution de problèmes pratiques de la vie courante ; dans la délibération que dans la perception ; dans le diagnostic médical que dans la décision politique.
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La croyance et l'enquête aux sources du pragmatisme
Bruno Karsenti, Louis Quéré
- Éditions de l`École des hautes études en sciences sociales
- 2 Juillet 2020
- 9782713230936
Pourquoi vouloir, aujourd'hui, retourner aux sources du pragmatisme américain et à sa conception de la croyance et de l'enquête ? Essentiellement pour mettre en évidence le parallélisme de son effort pour dépasser l'idéalisme de l'héritage cartésien et kantien avec celui opéré par la sociologie naissante à la même époque. Nous découvrons alors que le rapport de ce courant de pensée aux sciences sociales en général, à la sociologie en particulier, est interne. Car s'il est un aspect essentiel dans le pragmatisme, c'est la reconnaissance de la constitution sociale de l'esprit et de l'antécédence de la société sur le soi. Le « facteur social » est Inscrit au plus intime de la croyance et de l'enquête, de la connaissance et de l'action, de la conscience et de la conscience de soi. Et le principe de la société est à chercher non pas dans le psychique, mais dans les processus de la communication humaine. C'est sur un tel constat que doit se fonder tout projet de naturalisation de l'esprit.
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Les émotions collectives
Laurence Kaufmann, Louis Quéré, Collectif
- Éditions de l`École des hautes études en sciences sociales
- 20 Novembre 2020
- 9782713231803
La plupart des recherches reconnaissent à présent que les émotions, loin d'être des impulsions irrationnelles, sont au contraire des médiations cognitives et des appuis pratiques dont aucune action ne saurait se passer. Cette réhabilitation des émotions s'est vue toutefois reprocher son absence d'intérêt pour les sentiments diffus et la résonance parfois indisciplinée des corps. Or, ce sont précisément ces échappées affectives que l'on retrouve de façon particulièrement vive dans les émotions collectives. Ces dernières, sans corps propre, semblent disparaître ou s'évaporer dès que l'on s'en approche de trop près. Comment alors identifier avec certitude les émotions souvent « liquides » ou « gazeuses » qui sous-tendent et animent les conduites publiques ? Et comment les mettre en mots analytiques ? Pendant longtemps, une des façons de résoudre cette question a consisté à associer les émotions collectives aux moments d'effervescence qui leur confèrent une réalité tangible. Mais il y a des manières moins visibles de « partager » les émotions, y compris à distance, notamment par l'intermédiaire des médias ou des réseaux sociaux, qui infléchissent tout autant les comportements. À ces problèmes épistémologiques et méthodologiques s'ajoute un problème ontologique : si l'émotion exige par définition un point d'ancrage corporel et donc singulier, comment peut-elle devenir collective et impersonnelle ? C'est dire si les émotions collectives ravivent certaines questions fondamentales des sciences sociales, notamment celles concernant les liens entre l'expérience individuelle et l'appartenance collective, l'événement éphémère et les sensibilités au long cours, la co-présence des corps et les liens à distance, l'imprévisibilité du ressenti et l'organisation rituelle des conduites. Objet épistémologique et ontologique impossible, l'émotion collective n'en est pas moins un phénomène social que les enquêtes théoriques et empiriques de ce volume tentent, chacune à leur manière, de « sauver ».