Aujourd'hui, l'intérêt individuel et privé règne dans les sociétés qui ne se définissent que comme la libre association d'individus dotés de droits. L'idée de bien commun a été évacuée. Pourtant, elle traduit un souci réel. Comment penser le bien commun dans un contexte où le politique est dominé par les puissances économiques et financières ? François Flahault retrace l'histoire de cette idée et expose comment, récemment, en réduisant la politique à une habile gestion des affaires publiques, elle a été écartée, et comment les droits de l'homme ont fini par l'évincer... Quand bien même les droits humains ne substituent pas à lui, car ils ne permettent pas de le penser : la Déclaration des droits de l'homme ne dit en effet rien de la finalité des sociétés humaines au-delà de leur utilité pratique, ni ce qui relie entre eux leurs membres. François Flahault redéfinit le bien commun sans faire appel à une quelconque transcendance et éclaire ainsi tous les enjeux actuels de l'existence sociale, autrement recouverts par l'économisme. En quoi coïncide-t-il avec le bien premier de chacun ? Comment s'articulent les liens et les biens ? Quelles sont les relations entre le bien commun (au singulier), les biens communs (au pluriel) et les biens privés ? Quels rapports entre économie marchande et biens communs ? Un État démocratique doit-il assigner une responsabilité aux pouvoirs économiques et financiers au regard du bien commun ? Faut-il, au nom de la liberté individuelle, laisser sans réponse la question de ce qu'est la « vie bonne » ?
Alors que la croissance matérielle exponentielle se heurte aujourd'hui aux limites de la planète, des regards inquiets, voire accusateurs, se portent sur la technoscience et le capitalisme. C'est oublier que la science, la technique et l'économie ont fait alliance dans le cadre d'une conception prométhéenne du progrès. Le dynamisme de cet idéal d'émancipation par la connaissance et la domination a fait la modernité. Il faut donc interroger ce cadre.
Si la prise en compte des contraintes écologiques passe par des mesures concrètes, elle exige aussi un renouvellement philosophique : l'élaboration d'une pensée post-prométhéenne.
Pour contribuer à celle-ci, François Flahault propose une archéologie de l'idéal prométhéen ; il montre comment, sous couvert de rationalisme, celui-ci est travaillé par la démesure. La vision prométhéenne de l'homme et de la société répond au désir d'exister ; elle a servi aussi bien l'imaginaire romantique, le positivisme, le communisme que l'idéologie ultralibérale de la droite américaine. En analysant les erreurs fondamentales du prométhéisme, François Flahault ouvre des pistes qui permettront de penser autrement : ce que nous sommes et nos relations avec l'environnement naturel et social.Philosophe, directeur de recherches au CNRS, François Flahault anime un séminaire d'anthropologie générale à l'École des hautes études en sciences sociales. Il a récemment publié Le Sentiment d'exister (Descartes & Cie, 2002) ou encore La Pensée des contes (Anthropos, 2001). Il est notamment l'auteur de Le Paradoxe de Robinson. Capitalisme et société (Mille et une nuits, 2005) et « Be yourself ! ». Au-delà de la conception occidentale de l'individu (Mille et une nuits, 2006).