Que nous apprend le regard d'un grand historien quand il se pose sur l'avenir et non sur le passé ?
Dans ce recueil de textes rassemblés ici pour la première fois, ce n'est pas sur le passé, même récent, mais le présent et l'avenir que l'historien exerce ses compétences, puisant autant dans les époques qu'il étudia que dans son expérience de celles où il vécut - entre guerre et paix, terrorisme et démocratie, impérialisme et environnement, conséquences de la chute de l'URSS et futur des États-nations.
Invoquant une mémoire dont il estimait qu'elle « n'est pas tant un mécanisme d'enregistrement qu'un mécanisme de sélection » permettant de « lire les désirs du présent dans le passé », de cette synthèse naît un point de vue où luttent lucidité, optimisme et pessimisme. Où le militant embarque souvent l'historien.
Aussi l'intérêt de ces pages se trouve moins dans les prédictions (ou les erreurs de prédictions) de l'auteur que dans la compréhension qu'accompagnent les analyses, par un intellectuel engagé dans les luttes de son temps, offertes à celles et ceux qui vivront un temps qu'il ne connaîtra pas.
« À terme, les gouvernements mèneront une guérilla constante contre la coalition entre de petits groupes d'intérêt bien organisés et les médias. Ces derniers seront de plus en plus persuadés que leur rôle politique consiste à publier ce que les gouvernements veulent cacher, alors que - et c'est là toute l'ironie d'une société basée sur un flux illimité d'informations et de divertissements -, pour remplir leurs pages et leurs écrans, ils feront confiance aux propagandistes des institutions qu'ils sont censés critiquer. »
Eric Hobsbawm est né l'année de la révolution d'Octobre et s'est réclamé du marxisme toute sa vie. La période qu'il analyse et le communisme qui en constitua une dimension essentielle sont donc liés à son existence. Bien que le XXe siècle soit achevé, son interprétation reste un enjeu politique décisif. Et le fait que l'ordre en place provoque son lot de révoltes presque partout dans le monde interdit de reléguer au rang de contes poussiéreux les chapitres d'un temps qui a vu des peuples renverser l'irréversible. Leurs espérances furent parfois déçues, détruites, décapitées (cette chose-ci est connue), mais aussi parfois récompensées (cette chose-là est moins évoquée).
L'Ère des extrêmes nous rappelle que l'humanité ne fut pas toujours impuissante et désarmée quand elle voulut changer de destin. Lorsque Hobsbawm publia ce livre, ce genre d'observation n'allait plus de soi. Mais vingt-cinq ans plus tard, les lampions de la célébration définitive de la démocratie libérale sont éteints. Et l'histoire qui resurgit ne se résume pas à un imaginaire désenchanté.
Cette somme mêle l'étude des révolutions politiques, culturelles et des bouleversements sociaux du XXe siècle, celle des deux guerres mondiales, mais aussi des innovations artistiques et scientifiques.
Traduit en trente langues et largement célébré, L'Ère des extrêmes rencontra un accueil plus difficile en France, où les grandes maisons d'édition refusèrent de publier des analyses trop marquées selon elles par l'attachement de l'auteur à la cause révolutionnaire.
« Dans les toutes premières lignes de son ouvrage, Eric Hobsbawm écrit : "En cette fin de XXe siècle, la plupart des jeunes femmes et des jeunes hommes grandissent dans une espèce de présent permanent, dépourvu de tout lien organique avec le passé public qui a pourtant façonné les temps actuels."
Rien de tel que ce livre superbe, si riche de faits lumineusement rapprochés, bouillonnant d'idées, pour éclairer le lecteur sur l'histoire, toute proche et pourtant mal connue, qui a modelé ce monde désorienté et l'incite à sortir de ce "présent permanent" sans perspectives, à inventer, avec d'autres, son propre avenir. »
Claude Julien « Le siècle des extrêmes. Une histoire qui a modelé notre monde désorienté », Le Monde diplomatique, mars 1995.
Robin des bois volant aux riches pour donner aux pauvres, telle est la figure légendaire du " bandit social " : hors-la-loi pour le souverain ; vengeur, justicier et héros aux yeux de la société paysanne. Des haïdoucs, bandits des Balkans, aux cangaçeiros du Brésil, en passant par Jesse James et Billy the Kid, Eric J. Hobsbawm retrace ici l'histoire mouvementée du banditisme social. Il inscrit le destin de ces marginaux dans l'étude des structures économiques et sociales qui conditionnent leur apparition, établissant notamment un lien entre les " épidémies de banditisme " et des phases intenses de crise économique. Le personnage du bandit apparaît comme le masque de communautés paysannes réagissant à la destruction de leur mode de vie, entre criminalité organisée et mobilisation politique. Hobsbawm décèle dans l'histoire des bandits l'une des généalogies primitives des mouvements sociaux. Jusqu'à aujourd'hui, la question du bandit demeure : comment, pour des révoltés, passer de la délinquance à la politique ?
Voici la nouvelle édition de cet essai magistral qui a été traduit en plus de vingt langues.
Le présent ouvrage fait suite à l'opus magnum de l'historien Eric J. Hobsbawm : la trilogie consacrée au "long dix-neuvième siècle" avec L'Ère des révolutions, L'Ère du capital et L'Ère des empires.
L'Ère des extrêmes couvre ainsi la période de 1914 à nos jours, que l'auteur baptise "le court vingtième siècle", où le monde a été déchiré par deux guerres mondiales qui ont fait des millions de morts et balayé des systèmes entiers de gouvernement. Le communisme s'est d'abord imposé comme une foi messianique avant de connaître un effondrement ignominieux. Les paysans sont devenus des citadins, les ménagères des travailleuses et, de plus en plus, des responsables. L'alphabétisation s'est généralisée alors même que les nouvelles technologies menaçaient de rendre l'imprimé obsolète. Et les forces motrices de l'histoire se sont déplacées de l'Europe vers ses anciennes colonies.
Seul un historien doué d'un souffle et de talents narratifs comparables à ceux de Hobsbawm pouvait brosser ce tableau de "l'Ère des extrêmes" - des extrêmes dans la destruction comme dans la création. Divisant le siècle en trois temps : l'Ère des catastrophes (1914 à 1945) ; l'Âge d'or (1947 à 1963) et la Débâcle (1973 à nos jours), l'auteur mobilise tous les domaines du savoir, se faisant tour à tour historien, sociologue, économiste, philosophe et même moraliste pour tracer le portrait d'une ère dont les révolutions nous ont transformés plus profondément qu'aucune autre période depuis l'Âge de pierre.
Loin de tous les dogmatismes, marxistes ou libéraux, cet ouvrage, qui est aussi le bilan d'une vie de "spectateur engagé", a été salué dans le monde entier, et de tous les horizons intellectuels et idéologiques, comme un chef-d'oeuvre à ce jour sans équivalent.